Refonte du système de santé: Québec veut décentraliser et déléguer

MONTRÉAL — Fin du temps supplémentaire obligatoire, délégation de tâches au privé et plus de pouvoir aux infirmières, pharmaciens et ambulanciers; le ministre Christian Dubé a dévoilé mardi son plan de refonte du système de santé.

Le plan, dont les propositions ne sont pas chiffrées et n’ont pas d’échéance, utilisera les 5,2 milliards $ qui lui ont été réservés dans le budget 2022, déposé la semaine dernière.

Pour éviter que les médecins de famille et les urgences soient submergés, Québec veut élargir les pouvoirs des infirmières praticiennes spécialisées, des pharmaciens et des techniciens ambulanciers paramédics.

Ces derniers auraient ainsi la capacité d’«orienter le patient vers le bon soin et le bon professionnel au lieu de systématiquement effectuer un transport aux urgences». La création d’un ordre professionnel est aussi sur la table.

Les grosses structures administratives créées par la réforme Barrette de 2015 ont fait l’objet de nombreuses critiques, provenant notamment de témoins aux audiences de la coroner sur les décès en CHSLD et du rapport d’enquête sur les événements au CHSLD Herron.

M. Dubé a dit avoir entendu les appels à la décentralisation. Bien que peu de mesures concrètes en ce sens soient présentées dans le document diffusé mardi, le ministre a annoncé qu’un plan spécifique sur la décentralisation sera présenté «dans les prochains mois».

La présence sur le terrain d’un cadre responsable dans chaque établissement a déjà été promise mardi, tout comme la gestion locale des horaires du personnel.

Plus de place devrait aussi être accordée à la télémédecine et aux soins à domicile, dans un effort pour désengorger les hôpitaux et les CHSLD.

Plus de place au privé

Québec compte travailler en partenariat avec des cliniques médicales privées pour réduire les listes d’attente pour des chirurgies, qui se sont allongées pendant la pandémie. 

«Avant la pandémie, il y avait 100 000 opérations en attente, a rappelé M. Dubé. On est passé à 160 000.»

Cette façon de faire est déjà en place avec une quinzaine de cliniques, indique le document, qui précise que l’ensemble des coûts est assumé par l’État. «Des milliers de patients en attente depuis plus de six mois pour une chirurgie mineure d’un jour ont pu être opérés sans que cela leur coûte un sou», explique-t-on.

Cela représente «14 % du total de l’activité chirurgicale effectuée actuellement au Québec», un chiffre que le gouvernement compte faire augmenter.

Interrogé sur les coûts supplémentaires d’un tel arrangement pendant une conférence de presse, le ministre n’a pas pu donner de chiffre, puisqu’«on retourne en appel d’offres dans les prochains mois avec toutes les cliniques». Il a assuré que Québec est capable de bien évaluer les coûts des chirurgies et donc «être certain qu’on prend le meilleur fournisseur dans les circonstances».

Il a fait valoir que le nouveau mode de rémunération par capitation «axé sur le patient», qu’il souhaite implanter partout dans le système de santé public, permet de meilleurs calculs.

Guichet unique

M. Dubé a répété sa volonté de créer un guichet d’accès à la première ligne pour que tous les Québécois ― y compris ceux qui n’ont pas de médecin de famille ―puissent utiliser «un seul numéro de téléphone ou un seul site web» pour «recevoir des conseils en santé, prendre un rendez-vous ou renouveler une prescription», un concept qui est déjà à l’essai dans le Bas-Saint-Laurent.

Il s’est engagé à ce que plus de la moitié des Québécois sans médecin aient accès à ce guichet «d’ici la fin de l’été».

Il compte accomplir cela en centralisant l’information, par exemple sur les disponibilités des praticiens et des groupes de médecine familiale.

Le plan mentionne aussi la création d’un dossier de santé numérique accessible par le patient et l’établissement qui le soigne.

«L’utilisation anachronique du fax dans les hôpitaux est devenue le triste symbole d’un retard» technologique, souligne le document.

La centralisation des données et la modernisation des systèmes de communication permettraient selon lui de mieux se préparer à une prochaine crise.

La province compte préparer une «stratégie nationale intégrée de préparation aux risques sanitaires» qui inclurait une réserve d’équipement et des formations en continu pour le personnel de la santé.

Elle souhaite aussi se donner un «pouvoir d’enquête et d’administration provisoire, lorsque requis», dans des milieux de soins privés.

Lutte au temps supplémentaire obligatoire

Pour le temps supplémentaire obligatoire, le gouvernement souhaite, à terme, «éliminer une fois pour toutes cette pratique dans la gestion courante des opérations» en prévoyant «une capacité excédentaire» de personnel et en s’appuyant sur la campagne de recrutement et les formations accélérées qui sont déjà en cours.

Interrogé à ce sujet, le ministre Dubé a précisé «qu’il restera toujours un peu de temps supplémentaire obligatoire parce qu’il y a des conditions où une infirmière à la fin de son quart de travail, si le remplaçant ne rentre pas, ben il y a un engagement éthique d’être capable de rester auprès du patient».

«Mais ça devrait être des cas minimes, a-t-il dit, ça ne devrait pas être une façon de gérer le temps.»

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Cet article a été produit avec le soutien financier des Bourses Meta et La Presse Canadienne pour les nouvelles.