Les Producteurs d’œufs du Canada veulent des œufs verts dans les assiettes en 2050

MONTRÉAL — Alors qu’ils soufflent leurs 50 bougies d’anniversaire, les Producteurs d’œufs du Canada (POC) ont fait le souhait de devenir une industrie totalement carboneutre d’ici 2050.

Plusieurs initiatives ont déjà été mises en place depuis que les POC ont choisi d’entamer ce virage vert. Un rapport publié en 2020 et portant sur la durabilité de l’industrie indique qu’en 50 ans, la production d’œufs au pays a crû de 50 %, mais que l’empreinte environnementale de cette activité a diminué de tout autant. 

Concrètement, la consommation d’énergie des producteurs d’œufs canadiens aurait été de 41 % inférieure en 2012 par rapport à 1962; sur la même période, 81 % moins de terres agricoles ont été utilisées et 69 % moins d’eau a été nécessaire à la production. De plus, en modifiant la composition de la moulée, les producteurs ont réduit de 72 % les gaz à effet de serre (GES), apprend-on.

«Beaucoup a été accompli, mais il reste du travail à faire, reconnaît Emmanuel Destrijker, deuxième vice-président des POC et producteur de Plessisville au Centre-du-Québec. Ce qui est beau dans notre production, c’est qu’on a beaucoup de jeunes producteurs qui sont soucieux de la durabilité de l’industrie et qui forcent les producteurs de la génération précédente à leur emboîter le pas.»

Un bilan avant de passer à l’action

Atteindre la carboneutralité avec encore la moitié du chemin à parcourir relève du défi, mais le tout est réaliste, estime Paulin Bouchard, président de la fédération des Producteurs d’œufs du Québec (POQ) et producteur situé à Saint-Gédéon-de-Beauce.

«On a déjà commencé à mettre un plan en place, certains de nos membres ont déjà implanté des initiatives intéressantes», explique-t-il en entrevue. 

Avant de réduire son empreinte énergétique, il faut toutefois avoir une bonne idée de ce qu’elle représente au départ, poursuit M. Bouchard. C’est pourquoi la fédération accompagnera chacun de ses membres  dans la préparation d’un bilan environnemental individuel. «Après ça, quand chacun va savoir où il produit le plus de GES, il pourra travailler à mettre en place des solutions personnalisées pour diminuer son impact localement», précise le président.

La prochaine étape du processus sera de réaliser une consultation à large échelle pour identifier les meilleures pratiques et pour établir un plan d’action, a fait savoir Roger Pelissero, président des POC, dans un communiqué.

L’organisation a lancé l’an dernier l’Outil d’évaluation de l’empreinte écologique des fermes (OEEF!) à l’attention de ses membres, qui peuvent dès lors l’utiliser pour établir des objectifs de durabilité et suivre leur progrès en temps réel. Le tout a été créé par Nathan Pelletier, titulaire de la Chaire de recherche en durabilité sur l’industrie des œufs, affiliée à l’Université de Colombie-Britannique.

«Chaque producteur reçoit son bulletin personnalisé à partir des informations qu’il saisit en lien avec sa consommation d’eau, d’aliments et d’énergie, entre autres», explique M. Destrijker. 

Pour améliorer leur bilan, les producteurs peuvent ensuite utiliser le même outil pour s’inspirer de confrères qui ont mis en place des solutions novatrices.

«Ce qui est beau de notre système, c’est qu’on ne se fait pas de compétition; on travaille tous ensemble et donc, le fait que l’industrie complète travaille dans le même sens pour réduire son empreinte écologique, ça va avoir un impact encore plus grand», poursuit le deuxième vice-président.

Innover du couvoir au marché

En parallèle à cet accompagnement, la fédération travaille de concert avec les partenaires de l’industrie, notamment les fournisseurs de moulée pour les poules, pour qu’ils revoient eux aussi leurs pratiques.

D’ailleurs, selon des données de 2015 publiées par les POC, 53,9 % des GES produits par l’industrie étaient générés par la préparation de la nourriture de la volaille. Certains producteurs d’œufs fabriquent eux-mêmes leur moulée, ce qui réduit déjà leur empreinte écologique. 

Des résidus d’autres industries dans un contexte d’économie circulaire, comme certaines drèches, sont aussi utilisés pour concocter le repas des oiseaux, illustre M. Bouchard. 

D’autres producteurs se tournent vers de toutes nouvelles sources d’alimentation, souligne M. Destrijker. «Des solutions innovantes se développent, comme la préparation d’une moulée à base d’insectes, qui pourrait devenir une source importante de protéines pour la volaille», indique-t-il.

L’utilisation de fumier et d’engrais a pour effet de rejeter plusieurs substances acidifiantes dans l’air et l’eau, comme l’ammoniac, des phosphates et des nitrates. «On a déjà beaucoup investi dans la gestion de nos fumiers, ici au Québec, mentionne M. Bouchard. On est pratiquement tous sur du fumier solide, qui génère des émissions de GES beaucoup moins importantes que s’il était dans une forme liquide. La façon dont en dispose et qu’on l’applique sur nos terres a aussi un impact sur notre bilan.»

Les exploitations ovocoles et le secteur poulettes et couvoirs produisent pour leur part environ 20 % chacun des GES attribuables à l’industrie. «Cela est principalement attribuable à la consommation d’énergie pour chauffer et refroidir les poulaillers, ainsi qu’aux systèmes d’éclairage et de ventilation pour l’exploitation», lit-on dans le rapport des POC de 2020. 

Pour améliorer leur bilan, plusieurs fermes ont opté pour des systèmes d’éclairage DEL ou se sont tournées vers l’énergie éolienne et les panneaux solaires pour s’alimenter en électricité. D’autres avenues plus propres, comme le recours à la géothermie ou le chauffage aux granules recyclées, sont aussi adoptées par des producteurs, souligne Paulin Bouchard.

Le lavage, le classement, l’empaquetage et l’emballage des œufs ne généraient quant à eux que 5 % des GES. Le transport des cocos jusqu’aux marchands n’est pas inclus dans la production en tant que tel, mais pourrait éventuellement être revu pour être encore plus écologique.

«Ça serait une possibilité, mais on n’est pas les plus pollueurs avec nos camions», nuance Paulin Bouchard. Selon celui-ci, un camion peut transporter facilement 324 000 œufs en un voyage, ce qui suffit à nourrir 1200 personnes pendant toute une année.

Éliminer, puis compenser

Le tout premier poulailler à consommation énergétique nette et nulle au Canada se trouve à Brant, dans le sud de l’Alberta. Construit à partir de 2014, le bâtiment a recours à une centaine de panneaux solaires sur son toit pour s’alimenter en énergie; ce faisant, depuis deux ans, son bilan de carbone est nul.

Malgré un objectif de carboneutralité dans 27 ans, il est évident que certaines émissions de gaz à effet de serre ne pourront jamais être éliminées dans la production d’œufs à grande échelle, soutient M. Bouchard.

«On va tous faire le maximum pour diminuer nos émissions le plus possible, mais pour arriver en 2050 avec un statut carboneutre, il va toujours rester une certaine émission qui devra plutôt être neutralisée par captation, donc avec l’achat de crédits carbone», précise le président québécois.

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Cette dépêche a été rédigée avec l’aide financière de la Bourse de Meta et de La Presse Canadienne pour les nouvelles.