Les personnes transgenres rencontrent des défis majeurs dans le système juridique

OTTAWA — Une nouvelle étude conclut que les personnes transgenres qui demandent de l’aide pour régler des problèmes juridiques sont confrontées à des «obstacles et des fardeaux importants et omniprésents» au Canada.

L’Association du Barreau canadien et la «HIV & AIDS Legal Clinic Ontario» ont constaté que les personnes transgenres étaient confrontées à davantage de «problèmes juridiques concomitants» que les personnes cisgenres au Canada, souvent en raison du système juridique lui-même.

L’étude est basée sur des entretiens avec 182 personnes transgenres sur une période de trois ans.

L’étude a révélé qu’environ sept personnes transgenres sur 10 déclarent avoir au moins un problème qui pourrait être résolu par le système — comme des problèmes de discrimination, de traitement médical, d’emploi, de logement ou de dettes —, contre un peu moins de la moitié de la population adulte générale au Canada.

«En corollaire, les participants à notre étude étaient souvent confrontés à plusieurs problèmes juridiques en même temps», a déclaré Julie James, professeure adjointe à l’Université métropolitaine de Toronto.

La plupart des personnes transgenres qui ont participé à cette étude ont déclaré être réticentes à demander de l’aide juridique ou à accéder au système judiciaire, par crainte de discrimination, de services inadéquats ou d’un manque de renseignements juridiques accessibles et spécifiques aux personnes trans.

«Elles ont déclaré qu’on leur avait souvent dit directement qu’on leur refusait un logement, une place dans un refuge, des services aux consommateurs, une protection policière, des soins de santé, un traitement pharmacologique ou un emploi parce qu’elles étaient trans», lit-on dans le rapport.

Les résultats du sondage ont révélé que 97 % des répondants étaient d’accord ou fortement d’accord que le système de justice fonctionne mieux pour les personnes cisgenres que pour les personnes trans.

«Les participants ont vraiment souligné que recourir au système judiciaire était absolument leur dernier recours, a déclaré Mme James. S’ils venaient finalement vers le système judiciaire, c’était essentiellement une question de vie ou de mort pour eux, et ils ne trouvaient aucun autre moyen de survivre à ce à quoi ils étaient confrontés.»

Des changements systémiques

L’étude a révélé que les gens hésitent souvent à interagir avec le système judiciaire en raison d’expériences négatives antérieures, ou par crainte d’être maltraités ou blessés en public.

La professeure James souligne que la recherche a également révélé que l’interaction avec le système judiciaire avait souvent un impact émotionnel sur la santé mentale et les finances des personnes transgenres.

Les auteurs de l’étude estiment qu’il ne suffira pas de remanier les règles, les politiques, les lois ou les règlements: il faudra réformer des lois et apporter un changement systémique, «car bon nombre des causes profondes des problèmes juridiques des gens découlent des règles, politiques, lois, règlements et systèmes passés et actuels», estiment les auteurs.

«Dans le cadre de cette réforme, il faut mettre en œuvre des processus d’intervention préventive et de règlement précoces, par opposition aux seuls processus dans les tribunaux, pour répondre efficacement aux besoins juridiques des personnes trans», indiquent les auteurs de l’étude.

Le rapport recommande également davantage d’éducation et de formation sur les identités transgenres, et davantage de soutien pour les professionnels du droit transgenres. On recommande ainsi que les barreaux au Canada exigent au moins trois heures de formation obligatoire sur l’équité, la diversité et l’inclusion.

Au cabinet du ministre fédéral de la Justice, on a indiqué que David Lametti était impatient d’examiner le rapport et ses recommandations. «Le ministre continue de chercher comment le gouvernement fédéral peut être le meilleur soutien à ceux qui fournissent des services sur le terrain pour améliorer l’accès à la justice pour les personnes 2SLGBTQI+», a écrit la porte-parole, Diana Ebadi.

Le président de l’Association du Barreau canadien, Steeves Bujold, a déclaré que les avocats au Canada doivent comprendre les besoins de la communauté transgenre pour rétablir la confiance «sans laquelle le système judiciaire ne peut pas fonctionner».

Un comité consultatif de l’Association du Barreau canadien, qui comprend des membres de la communauté transgenre, examine actuellement les résultats de l’étude, a déclaré M. Bujold.

«Cela apportera une expertise. Cela apportera également une légitimité aux recommandations et aux actions concrètes que nous prendrons», a-t-il déclaré. M. Bujold espère que ce comité formulera ses recommandations avant la fin de son mandat à la présidence, au mois d’août prochain.

Les résultats de l’étude n’ont pas été une surprise pour la militante LGBTQ Gemma Hickey. Elle s’est battue pour obtenir finalement l’un des premiers «passeports non binaires» au Canada, qui permet aux Canadiens de ne s’identifier ni comme homme ni comme femme sur leurs documents de voyage.

«Je pense réellement que cette étude met en lumière (ces luttes) pour d’autres personnes qui ne comprennent pas pleinement, peut-être, ce que c’est que de faire partie d’une communauté marginalisée.»