Les MLM prospèrent en temps de pandémie, avec l’aide des médias sociaux

MONTRÉAL — Si l’avènement des médias sociaux a donné un nouveau souffle au marché québécois de la commercialisation à paliers multiples, appelée MLM (multi-level marketing), la pandémie a fait exploser le secteur.

En effet, «entre 2019 et 2020, les ventes ont augmenté de 26 %», a indiqué le président de l’Association de la vente directe du Canada (AVD), Peter Maddox, en entrevue téléphonique. Il s’attend à ce que les chiffres de 2021 ressemblent à ceux de 2020.

L’AVD estime que le nombre de distributrices a de son côté grimpé de 19 %, signe d’un intérêt renouvelé. Cela ne se traduira pas nécessairement par une expansion du marché, a nuancé M. Maddox, puisque certaines personnes risquent de se rendre compte que ce n’est pas pour elles, et d’autres ne s’inscrivent que pour avoir droit à des rabais.

«Quand la COVID-19 a frappé, les gens qui étaient déjà des vendeurs avaient un peu plus de temps à consacrer dans cette entreprise, parce que leur emploi de 9 à 5 n’était pas aussi chargé», ou était même suspendu par les confinements, a-t-il expliqué.

Un sondage réalisé en 2021 par la firme Abacus pour l’AVD a conclu que «pendant la pandémie, un Canadien sur trois a pris des opportunités de générer un revenu supplémentaire hors de son emploi principal».

La crise sanitaire a aussi accéléré le virage vers le magasinage en ligne, une aubaine pour Charlotte, qui est distributrice pour la MLM de vêtements Silver Icing.

«Je ne l’ai jamais vraiment vendue cette compagnie-là avant la pandémie parce que les gens n’étaient pas prêts (à commander sur internet) avant qu’ils n’aient plus le choix de le faire, a-t-elle dit. Je pense que la pandémie a beaucoup aidé à ce que les gens soient plus sur les réseaux sociaux, plus en ligne.»

L’AVD calcule qu’il y a 1,39 million de distributeurs indépendants au Canada. La plupart sont des femmes (84 %) et ont entre 18 et 54 ans.

L’association affirme aussi que plus de 200 sociétés se partagent 4,15 milliards $ en ventes annuelles, dont 830 millions $ au Québec.

Le sondage Abacus révèle cependant que pas moins de 28 % des Canadiens ont une impression négative de cette industrie. En comparaison, 38 % ont une impression positive et 34 % sont indécis.

L’effet Instagram

La vente directe était présente au Québec bien avant l’ère d’internet, a raconté M. Maddox. «C’était des gens qui faisaient du porte-à-porte pour vendre des produits et gagner des commissions sur ce qu’ils vendaient», comme les Mmes Tupperware ou Avon d’autrefois. «Historiquement, il n’y avait pas de « downline »».

Cette première transformation vers le MLM est maintenant suivie d’une deuxième révolution, celle des médias sociaux.

Auparavant, «tout ça se faisait de bouche à oreille», a expliqué en entrevue téléphonique Georges-Alexandre Rodrigue, chargé de cours en marketing à l’Université Laval.

Maintenant, «ça devient très souvent une forme de marketing d’influence», où «les entreprises, de plus en plus, approchent des influenceurs, même des micro-influenceurs».

«Ce n’est plus juste dans notre réseau d’amis direct avec 10, 20 amis qu’on pouvait contacter, a-t-il souligné. Sur les réseaux sociaux, quelqu’un qui a 1000, 2000 amis ou un réseau de 2000 abonnés, bien évidemment c’est beaucoup plus facile pour lui de rejoindre du monde facilement, et c’est pourquoi il y a de plus en plus de gens qui sont exposés à ce modèle-là.»

Il recommande toutefois de modérer ses attentes de profits. «Quand on regarde les faits, il y a très peu de participants qui gagnent plus d’argent qu’ils en dépensent dans ce genre de système.»

L’internet permet aussi de ne pas avoir à avancer de l’argent pour se bâtir un inventaire, puisque la transaction peut se faire directement via une boutique en ligne, a fait valoir M. Maddox. Certains vendeurs «n’ont pas à faire tant de ventes, ils ont juste des clients réguliers qui vont acheter sur leur site».

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Cet article a été produit avec le soutien financier des Bourses Meta et La Presse Canadienne pour les nouvelles.