Le système de localisation de la GRC a failli lors de la tuerie en Nouvelle-Écosse

HALIFAX — Dans le cadre de l’enquête publique sur les circonstances entourant la pire fusillade de masse de l’histoire moderne du Canada, des avocats ont cherché à comprendre pourquoi la Gendarmerie royale du Canada (GRC) en Nouvelle-Écosse avait été incapable de localiser ses policiers sur le terrain alors que des adolescents utilisent des applications pour se rejoindre sans problème.

Cet important détail est revenu dans les discussions à de nombreuses reprises lors des deux premiers mois de l’enquête publique. Un haut dirigeant de la GRC a d’ailleurs reconnu que l’absence de système GPS dans les radios portées par les policiers qui sont intervenus dans la tuerie de 2020 était inacceptable.

Darryl Macdonald, commandant de la Station de transmissions opérationnelles de l’Île-du-Prince-Édouard, a déclaré le 8 février dernier que le problème de l’absence de système de localisation aurait dû être réglé bien avant 2020.

M. Macdonald — qui a aussi travaillé comme coordonnateur de système de répartition par ordinateur en Nouvelle-Écosse — a rappelé que la fusillade contre des policiers survenue en 2014 à Moncton, au Nouveau-Brunswick, avait déjà révélé que «lorsque les agents sortent de leur (véhicule de patrouille), il n’y a aucun système de localisation qui permet de les repérer».

«Il y a une possibilité de le faire à partir du système radio qui a été développé en 2016. Il permet d’obtenir des coordonnées GPS des radios, mais cela n’a toujours pas été déployé au moment où je vous parle», a-t-il révélé lors de son témoignage dont la transcription a été rendue publique mardi.

Pour l’avocat Steve Topshee, qui représente les familles de deux victimes, les commandants de police avaient besoin de ces données GPS pour savoir précisément où se trouvaient leurs agents alors qu’un tueur déguisé en gendarme et conduisant une imitation de véhicule de patrouille s’affairait à abattre 22 personnes les 18 et 19 avril 2020.

Selon lui, si les officiers en charge de l’opération avaient été en mesure de suivre les mouvements des policiers à pied à Portapique, ils auraient été bien plus à l’aise d’envoyer des renforts.

Un autre avocat représentant les familles de 14 victimes, Michael Scott, a demandé à l’enquête publique d’appeler des experts à venir expliquer pourquoi la GRC ne dispose pas de technologie GPS pour localiser ses agents.

Des documents dévoilés lors de l’enquête ont démontré que les policiers Aaron Patton, Stuart Beselt et Adam Merchant, qui se sont présentés ensemble sur les lieux de la fusillade à Portapique, en Nouvelle-Écosse, ont été laissés à eux-mêmes pendant plus de 90 minutes parce que leurs supérieurs craignaient que l’envoi de renfort déclenche une fusillade entre policiers — ceux-ci étant à la recherche d’un suspect personnifiant un agent de la GRC.

Jane Lenehan, l’avocate de la famille de la victime Gina Goulet, s’est interrogée sur le fait que des ados sont capables de rejoindre leurs amis à un lieu bien précis grâce à une application de messagerie alors que la GRC est incapable de savoir où se trouvent ses agents.

«Une seule équipe s’est rendue à Portapique lors de ces 30 à 45 premières minutes cruciales et ils se sont fait dire que cela provenait d’un ordre de leurs supérieurs pour éviter une fusillade fratricide», a-t-elle résumé lors d’une intervention devant la commission d’enquête le 13 avril dernier.

Devant cette même commission d’enquête, l’an dernier, l’ancien caporal de la GRC Tim Mills — qui dirigeait les opérations lors de la tuerie — avait confirmé l’absence de système de repérage. Lors de ce témoignage, le procureur Roger Burrill avait relancé M. Mills en disant: «Il me semble que c’est une information assez fondamentale dans une opération d’urgence?»

«Bingo, 100 % d’accord. Nous avons plaidé pour cela et c’est tombé dans l’oreille d’un sourd», avait répondu Tim Mills.