La saison des feux de forêt s’annonce «particulièrement sévère» cet été, dit Trudeau

OTTAWA — La saison «sans précédent» des incendies de forêt faisant rage d’un bout à l’autre du Canada pourrait se poursuivre jusqu’en juillet et même août, projette Ottawa, et le premier ministre Justin Trudeau assure travailler sur un plan B dans l’éventualité où les ressources de l’armée seraient mises à rude épreuve.

«Notre modélisation montre que cela pourrait être une saison des incendies de forêt particulièrement sévère tout au long de l’été», a déclaré M. Trudeau, lundi, lors d’une conférence de presse à Ottawa où il était entouré de six de ses ministres.

Questionné quant à la capacité des Forces armées canadiennes à maintenir la cadence de leur soutien au cours des prochains mois, M. Trudeau a répondu avoir été assuré par le chef de la défense que, selon les projections actuelles, les ressources devraient être suffisantes.

«Mais on est toujours conscients que ça pourrait changer, donc on est en train de préparer des plans de contingence, a ajouté le premier ministre. Les Canadiens peuvent être rassurés qu’on va faire tout ce qui est nécessaire pour les protéger tout au long de l’été.»

Quelques minutes plus tôt, le responsable du Service canadien des forêts, Michael Norton, a expliqué que la situation demeurera «globalement la même en juillet et en août». La superficie brûlée pourrait atteindre des «niveaux records».

Il a cependant nuancé que les perspectives à long terme de l’activité des incendies de forêt sont «difficiles à prévoir» et que «l’incertitude augmente à mesure qu’on se projette dans le futur».

C’est au Québec que la plus forte pression est actuellement observée en raison des multiples incendies allumés récemment par la foudre, a-t-il précisé, cartes à l’appui.

Selon les données relevées dimanche soir, 413 incendies étaient actifs au pays, dont 249 étaient considérés «hors de contrôle». La situation est si «dynamique» que les chiffres changent «toutes les heures».

Jusqu’à présent, 120 000 personnes ont été évacuées en raison des incendies de forêt et près de 26 200 sont en cours d’évacuation en Colombie-Britannique, en Alberta, en Saskatchewan, dans les Territoires du Nord-Ouest, au Québec et en Nouvelle-Écosse.

La France, les États-Unis, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et l’Afrique du Sud ont tous offert leur soutien aux autorités canadiennes.

Débat d’urgence

Le Nouveau Parti démocratique (NPD) a demandé un débat d’urgence, lundi soir, sur les incendies de forêt ayant lieu partout au pays, ce à quoi le président de la Chambre des communes a acquiescé.

«Le gouvernement fédéral doit en faire plus et en faire mieux, notamment dans la planification, dans la formation de la main-d’œuvre et également dans l’accessibilité aux équipements qui sont nécessaires pour combattre ces importants feux de forêt. Et en ce moment, on se rend compte qu’il y a des lacunes, alors là, il y a urgence et il faut faire le point», a expliqué le chef adjoint du NPD, Alexandre Boulerice.

Ces reproches tranchaient avec les commentaires du ministre de la Protection civile, Bill Blair, qui assurait que «tous les ordres de gouvernement travaillent étroitement ensemble avec votre sécurité à l’esprit et avec un haut degré de coopération et de collaboration».

Le leader parlementaire du Bloc québécois, Alain Therrien, a semblé être sur la même longueur d’onde. Des députés de sa formation politique lui ont rapporté que «le lien, les informations et les actions» avec les différents ministères semblent «corrects», qu’«on s’entend bien sur le terrain, il y a une belle collaboration».

Quant au débat d’urgence, il juge que l’heure est plutôt à littéralement «éteindre les feux» et «sauver les meubles». La réflexion et le débat pourront venir ensuite, a-t-il tranché.

Prix sur la pollution

En mêlée de presse au parlement, le chef conservateur Pierre Poilievre s’est dit ouvert à la création d’une escouade nationale pour lutter contre les incendies de forêt, mais a noté ne pas avoir pris de décision sur la question.

«Je pense qu’il nous faut coordonner l’usage de nos avions et d’autres machines afin de protéger les Canadiens en cas d’urgence comme (celle-ci). Il ne faut jamais avoir d’avions qui ne sont pas utilisés parce que ça appartient à une province lorsqu’une autre province en a besoin.»

M. Poilievre a, du même souffle, réclamé que le gouvernement fédéral abolisse le prix sur la pollution, communément appelé taxe sur le carbone, faisant écho à une motion de son parti visant à déclarer que cette politique «est un échec». Cette dernière a été soumise aux voix, en après-midi, mais défaite puisque seuls les conservateurs ont voté en faveur.

Quelques heures avant la tenue du vote sur cette motion, le ministre de l’Environnement, Steven Guilbeault, a qualifié d’«invraisemblable» le «timing» de l’opposition officielle.

«Au moment où le Canada traverse ce qui sera probablement la pire année de son histoire en termes d’incendies de forêt, et que nous savons que cela est dû en partie aux changements climatiques (…), la seule réponse du chef conservateur est: « rendons la pollution à nouveau gratuite; faisons-en moins pour lutter contre les changements climatiques »», a-t-il lancé.

Plus de 160 incendies de forêt étaient actifs au Québec lundi. Ils ont forcé des milliers de personnes à quitter leur domicile dans le nord-ouest de la province au cours de la fin de semaine.

En Nouvelle-Écosse, le plus grand incendie de forêt de l’histoire de la province a continué de brûler dans le comté de Shelburne, tandis que les pompiers ont réussi à circonscrire un incendie près de Halifax qui a endommagé ou détruit plus de 150 résidences dans la banlieue.

L’Alberta a récemment mis fin à l’état d’urgence qui avait été mis en place pour faire face à des incendies de forêt sans précédent dans cette province, même si les responsables ont averti que la situation restait grave.

Plus de 2214 incendies de forêt ont été recensés jusqu’à présent cette année à l’échelle nationale et environ 3,3 millions d’hectares ont brûlé.