Initiative pour combattre la dénutrition des aînés

MONTRÉAL — Une nouvelle initiative à laquelle participe l’organisme Les Petits Frères vise à combattre la dénutrition des aînés, un fléau qui existait avant la pandémie, mais qui semble avoir pris de l’ampleur pendant la crise sanitaire.

Le projet annoncé mardi, et dont les détails ont été dévoilés en primeur à La Presse Canadienne, vise principalement à outiller les bénévoles de l’organisme pour qu’ils soient davantage en mesure de détecter et de réagir à la dénutrition dont pourraient souffrir les aînés qu’ils côtoient.

Les trois fiches d’information qui ont été développées seront aussi distribuées en ligne de manière à «multiplier les yeux» qui peuvent repérer le problème, a expliqué la professeure Nancy Presse, une experte de l’Université de Sherbrooke qui participe à cette initiative.

«Derrière des portes closes, derrière les portes d’appartements ou de maisons, il y a des aînés qui vivent seuls, a dit Mme Presse. On se demandait comment faire pour repérer ceux qui vivent des problématiques comme des difficultés à faire l’épicerie, des difficultés financières… comment on fait pour les trouver? Et on a eu l’idée de faire appel aux organismes communautaires (…) qui ont des bénévoles en contact avec les aînés.»

Un sondage réalisé l’automne dernier auprès de quelque 300 aînés accompagnés par Les Petits Frères a découvert que 25 % d’entre eux ne mangeaient pas trois repas par jour et peinaient à se procurer des aliments à un prix abordable. Tous les participants à l’enquête étaient âgés de 75 ans et plus et habitaient l’île de Montréal ou Longueuil.

Lors d’une autre enquête, celle-là menée en ligne entre juin et décembre 2022 auprès de 68 aînés accompagnés par les bénévoles des Petits Frères, ce sont 41 % des participants qui ont confié avoir perdu du poids involontairement. «Une perte de poids non volontaire, non intentionnelle, c’est toujours un drapeau rouge, a dit Nancy Presse. Toujours.»

Le quart des aînés interrogés ont confié éprouver de la difficulté à se procurer de la nourriture. Des problèmes de mobilité, des problèmes de santé et une épicerie éloignée du domicile comptent parmi les principales explications fournies.

Près de la moitié des participants ont avoué qu’il leur est difficile ou partiellement difficile de se préparer des repas, principalement parce qu’ils manquent de motivation pour le faire. Presque huit aînés sur dix ont confié avoir de la difficulté à s’alimenter en raison de problèmes physiques, comme une douleur ou une perte de force. Quarante-quatre pour cent ont évoqué des problèmes de mastication, de déglutition et d’étouffements.

«On est informés assez fréquemment de (la dénutrition des aînés), mais personnellement, je pense que ce n’est que la pointe de l’iceberg», a dit Joanne Parmenter, qui est directrice de territoire pour Les Petits Frères du Grand Montréal.

Un peu moins de la moitié du millier d’aînés que l’organisme accompagne dans la région n’arrivent plus à se nourrir convenablement, poursuit-elle, souvent parce qu’ils sont maintenant seuls et qu’ils n’ont pas envie de manger en solitaire.

D’ailleurs, lors du sondage en ligne, ce sont 31 % des participants qui ont confié que «manger en bonne compagnie» aiderait à leur donner plus d’appétit. Trente-sept pour cent des aînés ont dit manger seuls tous les jours.

«Ces gens-là ont quand même une fierté, a dit Mme Parmenter. Ils lèvent de moins en moins la main pour aller chercher de l’aide, ils n’ont plus l’énergie de se battre pour effectivement combler des besoins qu’ils ont. À quoi bon, se disent-ils, parce qu’effectivement, ils sont rendus seuls.»

Un frigo vide, un frigo qui contient des aliments périmés, des phrases en apparence anodines ou encore des vêtements devenus trop amples comptent parmi les signes qui pourraient attirer l’attention de ceux qui côtoient les aînés, qu’il s’agisse de bénévoles ou de voisins.

Une des fiches est ainsi entièrement consacrée à ces signaux d’alarme. Une autre tente de vulgariser la dénutrition des aînés et une dernière propose quelques pistes pour agir face au problème.

«On voulait que ça parle à monsieur et madame Tout-le-monde, a indiqué Mme Parmenter. Qu’est-ce que vous avez besoin de savoir pour assurer que l’aîné ne tombera pas dans la spirale de la dénutrition?»

Le but n’est pas de faire des bénévoles des professionnels de la santé, a dit Mme Presse. On veut en revanche les outiller pour lancer le dialogue avec l’aîné, pour l’amener à réaliser qu’il vit une problématique et voir comment on pourrait l’accompagner dans la recherche d’organismes communautaires en mesure de l’aider.

Ce ne sont pas tous les aînés qui ont accès à internet ou qui sont à l’aise de l’utiliser, a-t-elle ajouté. Il pourra alors être difficile pour eux de trouver les ressources qui sont disponibles, accentuant encore un peu plus leur isolement.

«Ça va faire en sorte qu’on ne retrouvera pas (la personne âgée) dans six mois, à 87 livres, très amaigrie puis très fragile à attraper toutes sortes d’infections ou à chuter parce qu’elle a perdu sa masse musculaire», a illustré la chercheuse.

La Ville de Montréal et la Direction régionale de santé publique participent à ce projet, en plus du Centre de recherche de l’Université de Sherbrooke et de l’organisme Les Petits Frères.