Incendie dans le Vieux-Montréal: l’enquête prendra plus d’une semaine

MONTRÉAL — L’enquête visant à déterminer les circonstances ayant mené à l’incendie mortel d’un immeuble du Vieux-Montréal, jeudi dernier, pourrait s’échelonner sur «minimalement une à deux semaines», a laissé entendre le chef du Service de police de la Ville de Montréal, Fady Dagher.

Celui-ci parle d’une «enquête criminelle», bien qu’il soit trop tôt encore pour supposer d’une hypothèse concernant la cause du brasier.

«Si vous regardez les décombres, ça va être extrêmement difficile de travailler dans ces conditions-là», a-t-il affirmé lors d’un point de presse tenu en fin d’avant-midi, lundi, à la Place d’Youville, en compagnie du directeur du Service de sécurité incendie de Montréal, Richard Liebmann, et de la mairesse Valérie Plante.

«On devra travailler de manière très méticuleuse pour trouver la cause et d’autres corps», a-t-il ajouté.

Les forces de l’ordre ignorent le nombre d’occupants de l’édifice au moment du sinistre. Un corps a été retrouvé dans les décombres, dimanche soir, et six personnes manquent encore à l’appel, a-t-il été confirmé. M. Dagher n’exclut pas qu’il y ait davantage de disparus, ce que l’enquête permettra de déterminer officiellement.

Le SPVM assure être en communication avec chacune des familles de ces personnes portées manquantes. Des proches de victimes ont d’ailleurs été rencontrés au terme du point de presse.

Des neuf personnes secourues et hospitalisées, deux se trouvent encore dans une unité de soins des grands brûlés, a poursuivi le chef de police­. Les autres ont été prises en charge par leurs proches, a ajouté M. Dagher.

Le chef de division du SSIM, Martin Guilbault, a précisé lundi matin que plusieurs étapes du démantèlement de l’édifice seront nécessaires afin de donner un accès sécuritaire des lieux aux intervenants. Un camion-nacelle, des grues et d’autres équipements ont été déployés pour faciliter les travaux des policiers et des pompiers, de même que des techniciens du laboratoire en sciences judiciaires. Un travail complexe les attend, dit-on.

Les autorités feront le point sur les opérations tous les matins à 8h00, tant qu’il le faudra, et d’autres communications seront faites si nécessaire tout au long des travaux de démantèlement de l’édifice et de fouille dans les décombres. Le Bureau du coroner ainsi que le laboratoire d’expertise judiciaire pourraient être amenés à venir expliquer l’avancement de leurs démarches.

AirBnb pointé du doigt

Certaines des victimes qui manquent à l’appel seraient originaires de l’Ontario et des États-Unis, notamment parce que certains logements de l’immeuble auraient été utilisés pour de la location touristique à court terme, ce qui est cependant interdit dans ce secteur de la métropole.

En point de presse, Mme Plante a indiqué avoir réclamé une rencontre d’urgence avec les ministres du Tourisme et de l’Habitation, Caroline Proulx et France-Élaine Duranceau, afin de déterminer comment ce type d’activité commerciale pourrait être mieux encadrée.

Actuellement, l’inspection des propriétés en location est assurée par Revenu Québec puisque l’illégalité de la location prive l’État de certaines taxes auquel il a droit. 

En point de presse dans le Vieux-Montréal en après-midi, la ministre Proulx a annoncé les intentions claires que son ministère souhaite mettre en place le plus rapidement possible. 

D’abord, les locateurs auraient l’obligation d’avoir un numéro d’enregistrement sur chaque annonce qui sera publiée sur une plateforme de type AirBnb. De plus, une fois que le locateur aura son numéro d’enregistrement, Québec veut qu’une photo du certificat confirmant le droit de faire de l’hébergement touristique soit publiée sur la plateforme. 

«Si des infractions sont commises, il y aura des amendes non seulement à la plateforme, mais au locateur», a indiqué Mme Proulx en précisant que l’amende n’irait pas au locataire. Si un locateur possède par exemple une dizaine d’adresses non conformes, il aura une amende pour chacune d’elles.

La ministre Proulx a répété maintes fois que Revenu Québec a une responsabilité dans les «hébergements touristiques dûment enregistrés». Elle explique que puisque l’édifice du Vieux-Montréal était en dehors du périmètre consenti par l’arrondissement Ville-Marie pour en faire l’exploitation, Revenu Québec ne pouvait pas agir. 

«La job de Revenu Québec, ce n’est pas d’aller dans les hébergements touristiques illégaux. On ne sait pas qu’ils existent. Il y a une responsabilité qui incombe à la Ville et aux municipalités. Dans le cas d’hébergements touristiques dûment enregistrés, (…) s’il y a des manquements, là c’est Revenu Québec qui enquête», a-t-elle détaillé. 

«Moi, je gère la loi sur les hébergements touristiques, je ne gère pas des municipalités et je ne gère pas des édifices comme ceux-là qui sont illégaux. Raison pour laquelle je vais travailler avec la mairesse (Plante) pour (…) s’assurer que ce type d’événement ne se produise plus», a poursuivi Caroline Proulx.  

Les Villes disposent de moyens limités et doivent accueillir une plainte formelle pour pouvoir enquêter, ce qui s’apparente selon Mme Plante à un «parcours du combattant» pour sévir contre les locateurs délinquants.

Mme Plante a indiqué que son cabinet a communiqué avec Nathan Rotman, directeur général d’AirBnb Canada. Elle déplore le fait que l’entreprise «se lave les mains» de la clandestinité dans laquelle certains de ses utilisateurs louent leur appartement.

«AirBnb et les autres plateformes du genre doivent faire partie de la solution, a réitéré la mairesse. Elles ont la responsabilité d’exiger que quiconque souhaite louer son logement chez eux affiche son numéro de certificat, qui confirme qu’il est dûment enregistré et qu’il paie ses taxes. En ne l’exigeant pas, elles encouragent l’impunité des locations illégales.»

En point de presse à Québec, le ministre des Finances, Eric Girard, a dit qu’il abondait dans le même sens que sa collègue responsable du tourisme en ce qui a trait à AirBnb. 

«Il faut comprendre la microstructure du marché. (…) Il ne faut pas faire des politiques publiques dans l’urgence de la tragédie, il faut comprendre et poser les bons gestes», a-t-il déclaré. Il a tout de même reconnu qu’il pourrait y avoir plus d’inspecteurs chez Revenu Québec. 

«Il y a toujours plus d’infractions qu’il n’y a d’inspecteurs, alors est-ce qu’on pourrait avoir plus d’inspecteurs? Oui.» 

Cette dépêche a été rédigée avec l’aide financière de la Bourse de Meta et de La Presse Canadienne pour les nouvelles.