Des Québécois signent une lettre d’appui à Amira Elghawaby

QUÉBEC — Une trentaine de personnalités québécoises ont signé, vendredi, une lettre d’appui à la nouvelle représentante spéciale du Canada chargée de lutter contre l’islamophobie, Amira Elghawaby.

L’ancienne journaliste et militante est depuis une semaine empêtrée dans une controverse liée à d’anciens propos qu’elle a tenus sur les Québécois et le «sentiment antimusulman». 

La liste de politiciens — à l’Assemblée nationale tout comme à Ottawa — qui réclament sa démission n’a d’ailleurs cessé de s’allonger depuis quelques jours.

Dans la lettre ouverte, on rappelle que Mme Elghawaby s’est excusée sincèrement d’avoir blessé les Québécois. Elle a aussi exprimé le désir de poursuivre le dialogue dans le but d’échanger et d’apprendre. 

Plusieurs rencontres avec des leaders politiques québécois sont prévues dans les jours à venir.

Le groupe de signataires, dont fait partie l’ex-président de la grande mosquée de Québec Boufeldja Benabdallah, se dit «sensible» aux préoccupations qui ont été soulevées depuis la nomination de Mme Elghawaby. 

Cependant, ils estiment que son défi est de taille et qu’il faut lui «donner la chance (…) d’exercer et de remplir le mandat pour lequel elle a été nommée».

«Nous sommes prêts à contribuer à un dialogue constructif entourant ces enjeux complexes et sensibles et nous nous engageons à combattre tous les préjugés, quels qu’ils soient», ajoute-t-on dans la lettre.

Le philosophe Charles Taylor et l’avocat Julius Grey font également partie des signataires, tout comme l’ex-candidate de Québec solidaire Ève Torres et Mohamed Labidi, président du Centre culturel islamique de Québec.

Legault doit lancer un appel au calme

En entrevue avec La Presse Canadienne vendredi matin, M. Benabdallah a exhorté le premier ministre François Legault à lancer un appel au calme.

Il a déploré que la communauté musulmane soit en train de faire les frais de la controverse Elghawaby, quelques jours seulement après le sixième anniversaire de l’attentat à la grande mosquée.

Des représentants de la communauté musulmane avaient alors salué la création d’un poste de représentante spéciale contre l’islamophobie. Depuis, M. Benabdallah estime que la situation a «complètement dérapé». 

«Paf, ça nous remet à plat», dit-il.

«Tout va se retourner contre nous, nos enfants à l’école, la crainte, la peur, les insultes. On a commencé déjà à recevoir des insultes, des gens que je connais depuis très longtemps, très virulentes.

«On est en train de casser le bois sur le dos d’une petite population. Ce n’est pas nous qui sommes le problème; nous avons hérité des situations difficiles, alors que nous sommes là pour construire la paix», a-t-il ajouté.

M. Legault doit tenter de calmer le jeu, selon lui. «S’il ne le fait pas, je pense que la dérive va commencer.»

Le pedigree d’Elghawaby

Pour le reste, M. Benabdallah demande que l’on fasse confiance au comité qui a sélectionné Mme Elghawaby, dont le salaire annuel à l’avenir s’élèvera à près de 200 000 $.

«Moi, je ne la connais pas personnellement. Comment on peut évaluer la qualité, si ce n’est de faire confiance au comité qui a évalué son pedigree et qui a vu qu’elle avait des qualités?» a-t-il plaidé.

«Un comité qui l’a évaluée, on ne peut pas jeter son opinion à côté», a-t-il renchéri, en prenant la peine de dénoncer l’«antécédent très grave, très insultant pour la population» de Mme Elghawaby.   

«Elle a fait une gaffe; elle s’est excusée. Nous sommes satisfaits de son excuse. Un individu qui fait une faute et qui la reconnaît, est-ce qu’on peut tourner la page?»

Malgré cette nuance apportée, Boufeldja Benabdallah craint que son propos ne soit mal accueilli par une majorité de Québécois, et que la lettre ouverte ne soit «mal comprise». 

«Ah, les méchants sont là qui la supporte. Non, on dit: « Donnons la chance au coureur ». (…) Je pense que nos paroles (…) seront mises à la poubelle, (…) mais, moi aussi, j’ai le droit de m’exprimer», lance-t-il.