Des «dysfonctionnements» à la GRC de la Nouvelle-Écosse avant la fusillade de masse

HALIFAX — La plupart des cadres supérieurs de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) en Nouvelle-Écosse estimaient qu’il y avait des «dysfonctionnements» dans leur division avant la fusillade de masse de 2020 et se sont ensuite sentis abandonnés par leurs dirigeants, selon le rapport d’un consultant préparé l’année dernière.

Le résumé d’une «évaluation du bien-être» du personnel, datant du 30 septembre 2021, a été rendu public lundi lors de l’enquête sur le massacre. Il indique que la plupart des 24 officiers supérieurs et dirigeants civils interrogés l’été dernier s’étaient plaints de lacunes dans la capacité opérationnelle de la GRC de la Nouvelle-Écosse avant la tragédie.

«Presque tous ont longuement parlé des principaux dysfonctionnements de la GRC qui, selon eux, avaient été autorisés à exister pendant de nombreuses années», fait mention le rapport.

Le document a été publié alors que Lee Bergerman, la commandante à la retraite de la province, a témoigné lundi avant l’enquête, qui examine comment un denturologiste alcoolique ayant des antécédents de violence conjugale a réussi à créer une réplique de véhicule de police, à s’armer de pistolets semi-automatiques, et se livrer à un déchaînement de 13 heures qui a entraîné 22 meurtres les 18 et 19 avril 2020.

Le résumé indique que l’évaluation sur le bien-être a été commandée après que des rapports d’épuisement, de «manque de collaboration» parmi les cadres supérieurs et de «soi-disant moral bas dans l’ensemble» ont atteint le quartier général de la GRC. Cependant, le rapport indique que les enquêteurs n’ont fait aucune tentative pour valider la véracité de ce qu’on leur a dit.

Le personnel de la GRC a déclaré aux enquêteurs que les formules de financement entre la province et la GRC n’avaient pas suivi le rythme des coûts des équipes d’intervention d’urgence.

«De nombreux (cadres supérieurs) ont montré du doigt les autorités provinciales telles que les ministres de la Justice, qui, selon eux, ont sous-financé la GRC pendant des années». Ils «recherchent une aubaine d’Ottawa», mais veulent toujours avoir accès à des «ressources prêtes à être déployées chaque fois» qu’elles sont appelées, est-il écrit.

Manque de personnel

Certains des agents ont déclaré au consultant basé à Ottawa, Quintet Consulting, que les congés de maladie des agents des services généraux duraient parfois «de manière excessive» et qu’il n’y avait «peu ou pas de mécanisme pour remplacer les ressources manquantes sans « voler » une personne» ailleurs.

Les cadres supérieurs ont déclaré qu’il y avait des pénuries chroniques à travers la division, entraînant une utilisation excessive des heures supplémentaires et des charges additionnelles sur les officiers en bonne santé.

L’enquête publique a entendu des témoignages de commandants de la GRC qui ont déclaré que des pénuries de personnel affectaient leur détachement. Ils ont aussi affirmé que seuls quatre agents — au lieu des six attendus — étaient disponibles pour répondre au cours des 45 premières minutes cruciales lorsque les 13 premiers meurtres ont eu lieu à Portapique, en Nouvelle-Écosse.

«Une petite clique»

Le résumé caviardé rapporte des entrevues confidentielles décrivant les principaux dirigeants régionaux comme «une petite clique d’officiers» qui se soutiennent mutuellement dans le groupe, mais dont les autres sont «traités comme des étrangers».

Certains participants ont parlé de «favoritisme, de personnalités et d’évaluations de performance biaisées non basées sur la compétence» parmi les hauts dirigeants de la division. Cependant, d’autres participants se sont dits satisfaits du leadership régional.

De plus, le rapport cite le personnel régional qui a déclaré que la direction régionale n’a pas fait assez pour aider les agents à la suite de la fusillade. «Il y avait une croyance largement répandue parmi les participants que la direction générale était plus intéressée à répondre aux questions politiques à Ottawa.»

La commissaire de la GRC, Brenda Lucki, s’est déjà excusée pour le ton acerbe qu’elle a utilisé lorsqu’elle s’est adressée au personnel régional à la suite d’une conférence de presse le 28 août 2020, au cours de laquelle elle a critiqué les chefs de division pour ne pas avoir divulgué les détails des armes utilisées par le tueur.

La commissaire – qui a été accusée d’avoir agi sous la pression du gouvernement libéral cherchant à promouvoir ses mesures de contrôle des armes à feu – a déclaré qu’elle était contrariée par la division de la Nouvelle-Écosse au sujet de sa communication avec le public parce que les médias rapportaient des faits avant que la GRC le fasse.

Mme Bergerman a témoigné lundi qu’elle n’avait jamais reçu de copie de l’évaluation sur le bien-être, notant qu’elle avait quitté son poste l’automne dernier, peu de temps après son aboutissement. L’ancienne commandante a dit que le rapport n’était pas ce qu’elle avait en tête lorsqu’elle l’avait demandé.

«Je cherchais quelles stratégies nous pouvions mettre en place pour aider les gens à guérir», a-t-elle déclaré.

Mme Bergerman a également témoigné qu’elle n’était pas d’accord avec la diffusion publique du résumé. «C’est dommage, car les personnes qui ont participé pensaient que ce serait confidentiel.»