Changement climatique: imaginer le futur des villes pour mieux s’adapter

MONTRÉAL — Le 6e Rendez-vous Collectivités viables, organisé par Vivre en ville à la Gare Dalhousie à Montréal mercredi, était l’occasion de mettre de l’avant des solutions pour réduire l’empreinte carbone des collectivités, mais aussi d’imaginer les défis auxquels feront face les citoyens en 2050.

Pour se préparer aux défis que nous réserve le futur, il faut tenter d’imaginer ce que sera la ville de demain.

C’est ce que fait Christophe Abrassart, professeur à la Faculté de l’aménagement de l’Université de Montréal et codirecteur de Lab Ville Prospective.

Devant les centaines de convives réunis au Rendez-vous Collectivités viables, il a fait part d’un des nombreux scénarios qu’il a imaginés avec son équipe. 

Selon ce scénario hypothétique, en 2050, la vie des trois millions de Montréalais s’organise selon deux régimes temporels.

Trois jours par semaine, c’est le régime A de «l’abondance relative» et le mode de vie a été préservé le plus possible. Par exemple, on rejoint son travail à vélo ou en covoiturage électrique avant de faire un repas sobre avec ses proches dans un chez-soi restreint, mais confortable. 

Mais durant les quatre autres jours de la semaine, c’est le régime B de «contingentement énergétique et spatial», au cours duquel l’approvisionnement électrique de la ville est quasiment à l’arrêt afin de permettre à Hydro-Québec d’exporter un maximum d’électricité décarbonée vers l’Ontario et le nord-est des États-Unis où sévit une canicule historique. 

Des pénuries de métaux rares affectent la fabrication de batteries et des algorithmes permettent à des applications de repérer tous les endroits dans la ville où de l’énergie peut être stockée et partagée.

Les citoyens qui possèdent une grande capacité de stockage d’énergie grâce à la batterie de leur véhicule électrique, par exemple, peuvent par le biais d’une application partager de l’électricité avec des voisins ou une école, un centre hospitalier ou encore un magasin alimentaire qui en a besoin. 

Christophe Abrassart et son équipe du Lab Ville Prospective imaginent différents scénarios du genre afin de trouver des «pistes d’actions» de politiques publiques. 

«Chaque scénario qu’on a écrit permet d’imaginer un changement de paradigme», a expliqué celui dont l’équipe collabore sur certains projets avec la Ville de Montréal.

«Aujourd’hui on se dit qu’on pourra tout électrifier en 2040 ou 2050, mais peut-être que l’hydroélectricité sera rare et qu’il y aura des ruptures dans les chaînes d’approvisionnement pour les équipements qui permettent de fournir l’électricité parce que cette hydroélectricité sera très demandée», a résumé Christophe Abrassart à La Presse Canadienne.

Ce genre d’exercice permet de réfléchir et de mettre en place, dès aujourd’hui, des solutions basées sur l’économie circulaire, l’agriculture urbaine, la taille des véhicules et de leur batterie, l’aménagement de rue partagée, la création de centres communautaires résilients au changement climatique ou encore la révision des normes de construction des bâtiments, autant de sujets discutés par les participants du Rendez-vous Collectivités viables.

Changer les habitudes de transport, même en région

Le thème du sommet était «Réussir les transitions pour réduire notre empreinte».

Au Québec, 40 % de l’empreinte carbone de la population provient des transports.

Le sujet était au cœur d’une des discussions à laquelle participait Magalie Paquet du collectif Solon.

Ce collectif citoyen a mis sur pied un service d’échange de véhicules entre voisins dans trois quartiers de Montréal. 

Magalie Paquet a expliqué que l’idée est venue du constat que les «voitures sont stationnées 95 % du temps, alors autant les prêter».

Le service d’échange de véhicules, appelé LocoMotion, a été utilisé par 1300 membres depuis 2018 et il y a eu 3700 emprunts.

Le prix pour emprunter une voiture est «comparable sinon meilleur» à celui des services d’autopartage plus connus et la Caisse Desjardins a conçu une assurance spécialement pour les membres du collectif.

Lors de cette discussion sur le transport, Marco Viviani, vice-président de Communauto, a expliqué que la «perception et la compréhension» des services d’autopartage sont le principal obstacle à l’expansion de ce genre de service. 

Mais l’autopartage a tout de même le vent dans les voiles, selon Marco Viviani, et Communauto vise maintenant à s’implanter en région. 

Depuis la semaine dernière, il est possible d’utiliser les véhicules de Communauto à Trois-Rivières. 

La Ville de Trois-Rivières loue la flotte de véhicules pour ses employés pendant les jours de la semaine, alors que tous les soirs et les fins de semaine, la communauté a accès aux 10 véhicules hybrides, mais Communauto promet d’agrandir sa flotte à Trois-Rivières et de s’implanter dans d’autres régions du Québec.

Selon les données de Communauto, un véhicule en autopartage remplace 10 véhicules sur la route, et 81 % des usagers du service ont vendu ou renoncés à posséder un véhicule. À Montréal, 7 % des ménages ont recours à l’autopartage.

«L’autopartage influence l’aménagement urbain», a indiqué Marco Viviani en expliquant que plus les gens font de l’autopartage, plus ils mettent de la pression sur les élus pour aménager des commerces de proximité, des parcs et d’autres mesures qui permettent de densifier les quartiers et ainsi diminuer l’empreinte écologique de la population.

Le 6e Rendez-vous Collectivités viables, auquel a participé le maire de Québec, Bruno Marchand, et la mairesse de Montréal, Valérie Plante, a donné le coup d’envoi de la tournée québécoise Réduire notre empreinte. Initié par Vivre en ville, cette «campagne citoyenne» se rendra dans les prochains mois dans 11 villes du Québec, dont Shawinigan, Victoriaville, Saguenay, Repentigny, Sherbrooke et Montréal, pour sensibiliser la population et les élus aux moyens de réduire l’empreinte écologique des villes.