Le président algérien dénonce des irrégularités électorales après sa victoire

Après avoir été déclaré vainqueur des élections en Algérie, le président Abdelmadjid Tebboune s’est joint à ses deux adversaires pour critiquer l’autorité électorale du pays pour avoir annoncé des résultats qui contredisaient les chiffres de participation et les décomptes locaux.

Les allégations d’irrégularités entachent ce qui semblait être une réélection écrasante pour le chef de l’État, âgé de 78 ans.

L’Autorité nationale indépendante pour les élections (ANIE) a annoncé dimanche que M. Tebboune avait remporté 94,7 % des voix, devançant de loin ses adversaires, l’islamiste Abdelali Hassani Cherif, qui n’a obtenu que 3,2 % des votes, et le socialiste Youcef Aouchiche (2,2 %).

Quelques heures plus tard, M. Tebboune a remis en question les résultats. Les trois campagnes ont publié conjointement une déclaration accusant le principal responsable des élections du pays d’avoir annoncé des chiffres contradictoires.

Dans un pays où les élections sont historiquement des affaires soigneusement chorégraphiées, des questions aussi étonnantes sur les irrégularités ont choqué les Algériens, qui s’attendaient à ce que M. Tebboune gagne d’une manière relativement calme.

On ne sait pas encore ce qu’il adviendra des doutes émis par les trois candidats sur les irrégularités, ni s’ils donneront lieu à des actions en justice ou s’ils retarderont la certification finale des résultats.

Le décompte publié dimanche donne à M. Tebboune un nombre total de voix bien supérieur aux 87 % obtenus par Vladimir Poutine lors des élections russes en mars et aux 92 % obtenus par Ilham Aliyev lors des élections azerbaïdjanaises en février.

Les efforts du président et des membres de son gouvernement pour encourager la participation des électeurs afin d’asseoir la légitimité du pays semblent avoir échoué, puisque moins d’un électeur sur quatre s’est rendu aux urnes.

Les autorités électorales ont indiqué dimanche que 5,6 millions des quelque 24 millions d’électeurs du pays ont exercé leur droit de vote. Un taux d’abstention aussi élevé, qui reste officieux, dépasserait celui de l’élection présidentielle de 2019, à laquelle 39,9 % de l’électorat avait participé.

Les autorités n’ont pas expliqué pourquoi elles avaient annoncé un taux de participation de 48 % au moment de la fermeture des bureaux de vote.

«C’est une honte!»

Avant que les trois candidats ne remettent en question l’écart, les deux adversaires de M. Tebboune ont exprimé leurs préoccupations à ce sujet, en citant leurs propres décomptes.

M. Aouchiche a qualifié les résultats d’«étranges».

De son côté, le directeur de campagne de M. Cherif, Ahmed Sadok, a dénoncé les retards et la manière dont les chiffres ont été calculés.

«C’est une honte! C’est une atteinte à l’image de l’Algérie, qui deviendra la risée des nations», a-t-il déclaré.

Il a rapporté des cas de vote de groupe par procuration et des pressions exercées sur les agents électoraux pour qu’ils gonflent certains chiffres.

Les allégations d’irrégularités clôturent une saison électorale qui a indigné les militants et les groupes de la société civile. Les défenseurs des droits de l’homme ont dénoncé l’atmosphère répressive de la campagne ainsi que le harcèlement et les poursuites à l’encontre des membres des partis d’opposition, des médias et des groupes de la société civile.

L’Algérie est le plus grand pays d’Afrique par sa superficie. Avec près de 45 millions d’habitants, c’est le deuxième pays le plus peuplé du continent après l’Afrique du Sud à organiser des élections présidentielles en 2024 – une année au cours de laquelle plus de 50 élections se déroulent dans le monde, englobant plus de la moitié de la population mondiale.