De Caracas à New York, des milliers de migrants vénézuéliens en quête d’un avenir
NEW YORK — Ysamar López se tenait sous la verrière de l’ancien hôtel, explorant les rues inconnues de New York sur Google Maps et élaborant un plan pour partir sous la pluie.
La Vénézuélienne est arrivée tard la veille après un trajet de deux jours en bus depuis le Texas, clôturant des semaines de voyage par voie terrestre. Elle ne savait pas que le ministre des Affaires étrangères de son pays était sur le point de prendre la parole aux Nations Unies, à quelques pâtés de maisons. Elle s’était installée avec ses deux jeunes enfants dans une pièce à l’intérieur, les avait nourris et avait passé un examen médical, et maintenant elle se concentrait sur la recherche de vêtements chauds.
«Dieu merci, il ne s’est rien passé de grave, mais j’attends une solution pour voir s’ils me laissent ici ou m’envoient ailleurs, a confié Mme López, 33 ans, alors que son fils de 3 ans aux grands yeux verts et au nez qui coule s’accrochait à elle. Mais nous allons bien, nous allons bien.»
Le discours du ministre vénézuélien des Affaires étrangères, Yván Gil, a eu lieu samedi, quelques jours seulement après qu’un comité soutenu par l’ONU enquêtant sur les violations des droits de l’homme au Venezuela a rapporté que le gouvernement de ce pays d’Amérique du Sud avait intensifié ses efforts pour limiter les libertés démocratiques par des menaces, de la surveillance et du harcèlement. Dans son discours, M. Gil n’a pas nié l’existence de difficultés généralisées dans son pays, mais les a attribuées aux sanctions imposées par les États-Unis.
L’hôtel Roosevelt, un hôtel autrefois majestueux occupant tout un pâté de maisons du centre-ville à deux pas de la gare Grand Central, est aujourd’hui un centre pour demandeurs d’asile et un symbole de la lutte de la ville pour absorber l’afflux de migrants, dont la plupart sont originaires du Venezuela. Plus de 60 000 Vénézuéliens sont arrivés au cours de l’année écoulée.
À mesure qu’ils affluaient, les autorités municipales se sont empressées d’ouvrir de nouveaux abris d’urgence, se tournant vers des tentes, des gymnases scolaires et des parcs pour se conformer à une loi de l’État exigeant un logement pour les sans-abri. Le maire Eric Adams a tenu un discours de plus en plus acerbe, qui a averti ce mois-ci que la crise des migrants « détruirait la ville de New York ».
Une crise complexe qui a débuté au cours de la dernière décennie a poussé des millions de Vénézuéliens dans la pauvreté et au moins 7,3 millions à émigrer. De nos jours, le salaire minimum payé en bolivars équivaut à 3,80 dollars américains (5,13$CAD) par mois, contre 30 dollars (40,47$CAD) en avril 2022, lors de sa dernière augmentation.
Des millions d’enseignants, de professeurs et d’employés du secteur public gagnent le salaire minimum plus des primes, se tournant souvent vers des activités annexes ou des envois de fonds de parents à l’étranger pour joindre les deux bouts. D’autres, comme les retraités plus âgés, dépendent entièrement de leur pension, égale au salaire minimum, et de primes occasionnelles.
M. Gil a déclaré dans son discours qu’une large couverture médiatique des luttes quotidiennes de son pays est souvent une désinformation visant à déclencher « une intervention humanitaire dans notre pays, en violation flagrante de notre souveraineté ».
« Nous sommes confrontés à une nouvelle génération de mesures coercitives unilatérales, plus cruelles et destructrices, affectant l’accès aux vaccins, à la nourriture et à d’autres biens et services essentiels, ce qui fait de ces atrocités de véritables crimes contre l’humanité », a-t-il déclaré.
Dans son dernier rapport, la mission internationale d’enquête, composée de trois membres autorisée par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, a déclaré que le gouvernement réprimait de plus en plus certains membres de la société civile, notamment des hommes politiques, des dirigeants syndicaux, des journalistes, des défenseurs des droits de l’homme et d’autres opposants réels ou perçus. Les cibles ont été soumises à la détention, à la surveillance, aux menaces, aux campagnes diffamatoires et aux procédures pénales arbitraires.
Mardi, des militants de Times Square à New York ont donné aux passants l’opportunité de s’aventurer derrière les redoutables murs de l’Hélicoide, plus précisément une reconstitution basée sur les expériences d’anciens détenus. Les utilisateurs ont enfilé des casques de réalité virtuelle pour une expérience immersive de cinq minutes des conditions de l’Hélicoide, l’établissement le plus tristement célèbre pour les prisonniers politiques, situé dans la capitale, Caracas.
Les organisations internationales de défense des droits de l’homme ont également critiqué les Nations Unies, le gouvernement de Nicolas Maduro et l’opposition pour avoir tardé à établir un fonds très médiatisé d’environ 3 milliards de dollars destiné à financer des programmes de santé, d’alimentation et d’éducation destinés aux pauvres du Venezuela. Les avoirs vénézuéliens gelés en raison des sanctions économiques devaient être acheminés vers le fonds, que l’ONU gérera, mais cela n’a pas encore été concrétisé.
Le mois dernier, Human Rights Watch a imputé l’absence de progrès au gouvernement de Maduro, qui n’a pas identifié les avoirs gelés du pays à l’étranger; les gouvernements et les banques étrangers qui ne libèrent pas rapidement leurs actifs identifiables ; et l’ONU pour ne pas avoir ouvert le fonds elle-même. L’organisation de défense des droits humains a déclaré qu’il avait fallu six mois au gouvernement américain pour accepter de protéger le fonds humanitaire des créanciers qui recherchaient de l’argent vénézuélien pour couvrir ses dettes.
« Le gouvernement Maduro, l’opposition, les Nations Unies et l’administration Biden doivent agir rapidement et de manière transparente pour garantir une aide aux Vénézuéliens », a déclaré Juanita Goebertus, directrice des Amériques à Human Rights Watch, dans un communiqué le mois dernier. « Les millions de Vénézuéliens qui ont de graves besoins humanitaires n’ont pas de temps à perdre. »
Leurs difficultés chez eux les poussent à chercher refuge ailleurs. L’un des premiers défis de leur exode est le périlleux Darien Gap, qui relie l’Amérique du Sud à l’Amérique centrale. Plus tôt cette année, deux groupes des Nations Unies ont déclaré que le nombre de migrants traversant la jungle entre la Colombie et le Panama pourrait atteindre 400 000 cette année.
Jeudi, le secrétaire américain à la Sécurité intérieure, Alejandro Mayork, a annoncé un statut légal temporaire pour environ 472 000 Vénézuéliens arrivés dans le pays au 31 juillet, ce qui leur permettrait d’obtenir plus facilement une autorisation de travailler aux États-Unis. Des maires et gouverneurs démocrates qui ont du mal à prendre en charge un nombre croissant de migrants dont ils ont la charge.