Souvenirs d’un centenaire
LOUISEVILLE. Assis sur son fauteuil en écoutant les nouvelles provinciales et nationales à la télévision, Paul-Émile Beaumier se perd dans ses pensées. À 103 ans, ce résident de Louiseville continue d’apprécier ses journées en suivant un mode de vie lui permettant de demeurer en forme.
« Je suis toujours capable de marcher et de bouger à la maison. Je suis habitué à marcher, car j’étais longtemps dans l’armée. Que tu sois capable ou pas, faut que tu marches dans l’armée », raconte Paul-Émile Beaumier.
« Il n’a pas de misère à monter et descendre les marches. Il vient parfois avec moi à l’épicerie et il range les items en rentrant à la maison », ajoute sa nièce Francine Gignac, qui prend minutieusement soin de lui depuis quelques années.
Elle s’occupe, entre autres, de préparer les repas de M. Beaumier qui dévoile un de ses ingrédients pour rester en forme: « Je mange et je digère bien. Je prends un bon déjeuner le matin ainsi qu’un bon dîner, avec beaucoup de fruits et de légumes, et un sandwich au jambon le soir ».
Alors qu’elle coupe des légumes frais, Francine Gignac n’hésite pas à compléter les idées de M. Beaumier, lorsqu’il se perd dans ses souvenirs. Un agréable échange entre ces deux personnes dans lequel le vétéran fait confiance à Mme Gignac pour prendre le relais et terminer les petits bouts de ces histoires qu’elle connait par cœur à force de les écouter.
Souvenirs d’enfance et d’amour
Francine Gignac dépose le couteau qui a servi à couper les carottes et prend la télécommande pour baisser le son venant du salon. Un petit moment de silence avant qu’elle demande à M. Beaumier s’il se souvient de quelques anecdotes d’enfance avec son petit frère Rosaire, décédé il y a quelques années.
« Rosaire ! On faisait beaucoup de choses ensemble, on s’entendait bien », s’exclame le vétéran.
« À l’âge de 16, 17 ans, les deux frères aimaient faire du vélo et aller danser. Ils allaient du Cap-de-la-Madeleine à Yamachiche à vélo la nuit pour danser avec les filles là-bas. À l’époque il faisait très noir la nuit, car il n’avait pas de lumière de rue et il arrivait, parfois, qu’ils cognaient les fossés… tous les deux sur le même vélo », raconte-t-elle en rafraîchissant la mémoire de M. Beaumier.
Les yeux de ce dernier s’illuminent, un petit sourire se trace sur ses lèvres pendant qu’il écoute les récits de M. Gignac lui rappelant des beaux vieux souvenirs. « Ça fait une vingtaine d’années cette histoire, hein? », demande-t-il. La réponse de Mme Gignac n’a pas tardé : « Ça fait plus que ça Paul-Émile, ça fait plus que 80 ans maintenant ».
Elle continue de tourner les pages de la vie de M. Beaumier en s’arrêtant sur la partie qui a suivi son départ de l’armée.
« Il a été prisonnier pendant son service militaire et il a vu des choses terribles. Il voulait juste quitter l’armée et faire autre chose. Il travaillait un peu dans la région où il faisait des petites jobs. Après ça, il était cuisinier sur des bateaux de marchandises, il faisait le tour du monde et il visitait plusieurs pays ».
Ses voyages maritimes lui avaient d’ailleurs permis de rencontrer la femme de sa vie, celle qui lui écrivait des courriers et comptait les jours pour recevoir ses correspondances.
« Imagine-toi dans ce temps-là combien de temps ça prenait pour recevoir une réponse par courrier, de Haïti en plus. Un jour, son bateau s’arrêtait à cette île et il a profité pour aller voir sa bien-aimée. Il a passé deux mois là-bas pendant lesquels ils se sont mariés. Elle est décédée en 2014 et elle était la femme de toute sa vie », décrit Mme Gignac.
« Quand Paul-Émile a quitté la marine marchande, il a déménagé avec sa femme à Montréal où ils ont ouvert un petit commerce avant que les grandes chaînes alimentaires viennent tout tuer », continue-t-elle pendant que M. Beaumier écoute attentivement, comme s’il découvre cette histoire pour la première fois.
Le couple a par la suite décidé d’aller à New York où il a habité longtemps. C’est là qu’ils ont adopté une fille, Magali. Elle demeure aujourd’hui à San Francisco et vient à l’occasion visiter son père. Puis, ils ont déménagé à Miami puis à Fort Lauderdale (Floride) où Francine Gignac est partie chercher M. Beaumier en septembre 2016.
Jour du Souvenir
Né le 24 octobre 1921, Paul-Émile Beaumier a été honoré par la Ville de Louiseville en marge d’une cérémonie du Jour du Souvenir. L’ancien soldat de l’armée canadienne a tiré beaucoup de leçons de cette expérience.
« Le Jour du Souvenir appartient à ce peuple et renforce les valeurs de l’union et de la résilience avec lesquelles on peut réaliser tout ce qu’on veut », résume-t-il des décennies de réflexion.