Au chevet des guitares et des basses

-SAINT-LÉON–LE-GRAND. C’est un cabinet fréquenté par les musiciens, avec un établi en guise de table d’opération et des outils d’ébéniste pour remplacer le scalpel : bienvenue chez ­Dr ­Guitare.

Au bout du chemin du lac ­Barolet, en pleine forêt, le visiteur contourne un charmant poulailler portant l’inscription ­Poule ­McCartney et ­Eggs days a week. Plus de doute n’est permis, nous voilà arrivés chez le luthier ­Donald ­Dufresne.

Le réparateur d’instruments à cordes pincées est établi à ­Saint-Léon-­le-Grand depuis bientôt dix ans, après avoir pratiqué son métier au ­Cap-de-­la-Madeleine. Avec son ­beau-frère, membre des ­Tireux d’Roches, ils se sont acheté une petite érablière au côté de laquelle il a construit sa maison et son atelier.

«  ­Ma clientèle est majoritairement de la ­Mauricie et de ­Lanaudière, mais il y a des musiciens de ­Montréal qui s’arrêtent parfois aussi  », explique ­Donald ­Dufresne qui s’est spécialisé dans les guitares et les basses, deux instruments dont il a joué du manche plusieurs années du temps qu’il faisait la tournée des bars partout au ­Québec.

Pour vivre de son métier, un luthier doit nécessairement miser sur les réparations d’instruments même si sa formation lui permet d’en fabriquer. «  ­Personnellement, j’ai toujours un projet qui roule en même temps que je fais les réparations. Mais si tu comptes le temps que tu mets ­là-dessus et le coût du bois, c’est difficile de la vendre au prix qu’elle vaut. Juste en bois pour fabriquer une guitare, on arrive à 800 $ et il se vend des guitares de base neuves à la moitié de ce ­prix-là.  »

Quand il fabrique une guitare, ­Donald ­Dufresne s’inspire des guitares classiques, mais sans jamais les copier intégralement. «  ­Un client qui me demande une ­Thunder ­Telecaster, je lui suggère d’en acheter une d’origine parce qu’il pourra la revendre beaucoup plus facilement. Par contre, s’il veut une ­Telecaster avec tel genre de ­pick-up qui ne se fait pas sur le marché, là ça devient intéressant à faire parce que ça sera une pièce unique.  »

De l’Australie à ­Amazon

Lorsqu’il a débuté dans le métier, le luthier devait faire venir ses plans de guitare d’Australie, avec des délais de plusieurs semaines. Aujourd’hui, tout est disponible sur ­Amazon avec une livraison le lendemain. «  ­Ce n’est jamais complet comme si ça venait du fabricant, mais tu as à peu près 80 % du plan. Le reste, faut que tu le devines.  »

Donald ­Dufresne s’est également fait un nom dans le milieu pour ses armoires à guitare dotées d’un thermostat pour en contrôler la température. «  ­Les guitares travaillent souvent dans les saisons comme l’hiver. C’est la pire affaire pour les instruments  », explique l’artiste qui en a déjà vendu une à un musicien de ­Sept-Îles qui était venu la chercher en ­Mauricie.

Son expérience de musicien lui sert également beaucoup quand vient le temps de réparer et ajuster des instruments. «  ­Quand ce sont des jeunes qui jouent du métal, je vais accorder plus bas. Je connais un luthier qui répare des violons sans savoir en jouer, mais personnellement, j’aime mieux travailler avec un instrument que je connais.  »

Aux jeunes qui seraient intéressés par le métier, ­Donald ­Dufresne leur demanderait s’ils ont de la patience. «  ­Il ne faut pas être pressé. Il ne faut pas faire les affaires vite sinon, on peut passer à côté de plein d’étapes importantes, surtout dans la finition. C’est plusieurs couches, plusieurs sablages. Il faut être très concentré. Personnellement, je ne serai pas capable de travailler avec quelqu’un dans l’atelier.  »

Pour l’accompagner pendant ces longues heures, c’est plutôt vers la musique que ­Donald ­Dufresne se tourne. «  J’écoute de toutes sortes de musique. Souvent, je fais jouer des pièces qui fittent avec l’instrument sur lequel je travaille  », conclut le luthier de ­Saint-Léon-­le-Grand.