Un combat inhabituel

Feu de forêt à Saint-Étienne-des-Grès

INCENDIE. Vendredi 22 mai 2020, 14h22. Le téléavertisseur du directeur Daniel Isabelle sonne alors qu’il est à l’extérieur de sa municipalité. Sa brigade de pompiers est demandée sur la rue Lambert, à Saint-Étienne-des-Grès, pour une vérification suite à un appel d’un citoyen qui a constaté la présence de fumée dans le boisé à proximité de chez lui.

Le lieutenant Dave Carrier prend en charge l’intervention et débute avec son équipe l’investigation, en attendant l’arrivée de son directeur.

Sur place, le scénario d’un feu de forêt se confirme. Voyant la propagation s’accélérer, l’officier aux opérations demande aussitôt l’assistance des brigades de Saint-Boniface, Saint-Barnabé et Charette, en plus d’aviser la Société de protection des forêts contre le feu (SOPFEU) de cette intervention qui s’annonçait majeure. «Ça chauffait beaucoup. On a envoyé des équipes à des endroits stratégiques. Plus ça allait, plus l’incendie était important et il s’étendait sur un immense territoire», rapporte le directeur, Daniel Isabelle.

Après avoir sonné l’alarme générale et en attendant le renfort provenant des casernes de Yamachiche et de Trois-Rivières, des pompiers ont évacué près d’une cinquantaine de résidences menacées par les flammes. «C’était difficile, car il y avait beaucoup de circulation. C’était incroyable le nombre d’automobiles qu’il y avait sur la rue Principale. Les gens venaient juste pour voir le feu et ç’a compliqué notre travail. On est tombé assez vite en mode sécurité civile. Il fallait évacuer les résidences, fermer des rues et gérer la circulation. Lorsqu’ils sont arrivés, les policiers nous ont donné un solide coup de main», souligne M. Isabelle, en précisant au passage l’apport de bénévoles de la localité et du maire Robert Landry.

Sur le terrain, les pompiers se sont relayés pour essayer de limiter la propagation de l’incendie et protéger les bâtiments. Les pompiers ont eu recours à des camions-citernes pour s’approvisionner en eau. La SOPFEU a également déployé sur le site une vingtaine de pompiers forestiers ainsi que quatre avions-citernes pour contenir le brasier. «Leur support a tout changé, admet Daniel Isabelle. Ils sont arrivés au bon moment. Ils sont spécialisés dans les feux de forêt et ça parait. Leur intervention a vraiment permis de réduire l’intensité du feu et de le contenir. S’ils ne venaient pas, on aurait eu énormément de dommages.»

«On a mis 10 000 pieds de boyaux au sol.»

– Daniel Isabelle

Malgré tous les efforts, l’incendie a tout de même détruit une résidence principale, un chalet, cinq bâtiments accessoires et a touché 43,5 hectares de forêt.

Défis opérationnels

Quelques jours après la fin des opérations d’extinction, lesquelles ont duré une semaine, le directeur reconnait avoir dû composer avec certains défis, dont la chaleur, le vent, le nombre de pompiers disponibles et un problème de communication avec les ondes radio en raison de l’interférence causée par des tours d’Hydro-Québec. Au chapitre de l’alimentation en eau, les pompiers n’ont pas manqué d’eau, assure M. Isabelle, et ce, même si la Municipalité de Saint-Étienne-des-Grès était aux prises avec une problématique d’approvisionnement liée à une surconsommation par les citoyens, ce qui a entraîné une baisse draconienne des réserves d’eau et a rendu les bornes-fontaines inutilisables. «On avait deux points d’eau, soit une borne-fontaine située sur le territoire de Trois-Rivières, à un kilomètre et demi de l’incendie et un lac à un autre endroit où nous avions installé une pompe portative. On avait quand même un bon ravitaillement. Des défis techniques, il y en aura toujours. Il faut juste s’adapter et avoir la capacité de le faire rapidement.»

Une première en carrière

De son propre aveu, Daniel Isabelle n’avait jamais lutté contre un incendie d’une telle ampleur au cours de sa longue carrière. «J’ai déjà vécu un autre feu de forêt dans le même coin en 1996 et j’étais opérateur de pompe cette fois-là, mais ce n’était pas aussi gros. Il n’y avait pas eu d’évacuation. Celui qu’on vient de vivre est majeur. Il menaçait de s’attaquer aux résidences et il fallait faire vite. On a mis 10 000 pieds de boyaux au sol», affirme-t-il.

M. Isabelle est chef des pompiers autant à Saint-Étienne-des-Grès qu’à Saint-Boniface. Il cumule 18 ans de carrière comme directeur et 30 ans à titre de pompier.

Ce dernier se montre dans l’ensemble satisfait du déroulement de l’intervention et du travail accompli par ses hommes. «Ç’a bien été, car premièrement, depuis six ans, nous avons une équipe de sécurité civile qui pratique et qui se rencontre régulièrement à Saint-Étienne. Deuxièmement, nos pompiers savaient ce qu’ils avaient à faire. On a eu chaud, mais on a appliqué les bonnes techniques de travail. On a établi une structure. Mon lieutenant en charge des opérations était calme et il a pris des décisions réfléchies. Pour ma part, j’étais plus responsable du volet sécurité civile, mais on communiquait régulièrement pour définir les bonnes actions à prendre. Un feu de forêt, ce n’est vraiment pas comme un feu de maison», fait remarquer le directeur.

Drôle de coïncidence, Daniel Isabelle avait déjà prévu organiser une pratique de feu de forêt l’automne prochain avec l’équipe de sécurité civile de la municipalité. Pour l’instant, cette activité est toujours maintenue.

En ce qui a trait à la cause de l’incendie, elle demeure inconnue pour le moment, mais tout indique qu’elle serait de nature humaine.

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