Les émotions à colorier de Jeannot Bournival

MUSIQUE. On reconnait souvent Jeannot Bournival comme l’homme de son derrière les Fred Pellerin et Bryan Perro de ce monde. Celui qui accepte volontiers le rôle de soutien lançait son premier album l’hiver dernier, Page 36 (Musique à numéro). Après avoir assuré la première partie de Fred Pellerin depuis, il sera tête d’affiche pour la toute première fois le soir du 22 octobre à la salle Louis-Philippe-Poisson de la Maison de la culture de Trois-Rivières.

«Cet album c’est un peu un journal intime. Ça se trouve à être une sorte d’agenda de ma 36e année.» Cette année-là a été marquée de plusieurs émotions opposées, de la naissance à la mort, de la séparation au changement qui s’ensuit. «J’ai vécu une sorte de mutation émotionnelle… où tu es obligé de revisser les bolts et de repartir.»

Il n’en fait pas un spectacle sombre pour autant. «Quand la vie est plus difficile, il y a toujours un moment de repos où tu te sens bien. Ce sont ces moments que j’ai essayé de traduire», raconte celui qui se présente comme calme et lumineux.

Musique à numéros?

«Le trip de musique à numéros, c’était un peu comme le principe de peinture à numéros. Prends ton pinceau et colore-les à ta façon. Les gens qui ont accueilli cet album ont pu l’écouter à leur façon, attacher ça à leurs émotions. C’était mon souhait», confie l’homme de Saint-Élie-de-Caxton.

«Valse d’Octave», «Train», «Vide». L’album entièrement instrumental, plutôt folk, comporte des titres qui se veulent une explication plutôt floue, comme un point de départ. Il appartient à celui qui écoute d’interpréter ces mélodies avec la palette d’émotions qu’il désire.

«Ça éveille une poésie différente qu’avec des paroles», réfléchit-il. «C’est un voyage instrumental dans des paysages plus vastes et plus intérieurs. Chacun fait son expérience. Je souhaite que ce soit très personnel.»

Cet album a donné naissance à deux vidéoclips, «Fuite en Gm» et «Petit clown», en collaboration avec la vidéaste Frédérique Bérubé. Au-delà des possibles projections pour son spectacle et d’ouvrir la porte à de nouveaux projets, ces vidéoclips ont fait naître une véritable passion pour l’artiste du son.

«Je peux faire de la musique à images, mais je peux faire aussi des images pour ma musique. Ça apporte une dimension de plus à mon émotion. Je fais de la photo depuis», raconte-t-il, fasciné. «Ça me fait vraiment tripper

Échange touchant avec le public

Le musicien a l’habitude de la scène, mais pas d’être le pivot du spectacle. «Je suis habitué de lancer vers un artiste qui lance vers l’avant. Tout à coup, les autres lancent vers moi et c’est moi qui lance vers l’avant. C’est un geste qui est nouveau pour moi», raconte le multi-instrumentiste. 

«J’ai la responsabilité d’adresser mon idée aux gens devant moi et je reçois la charge directement vers moi. C’est super touchant», ajoute celui qui apprivoise cette mécanique.

Ils seront six sur scène. Bournival, au piano, au banjo, à la basse et au saxophone, sera accompagné d’un pianiste, d’un guitariste, d’un trompettiste, d’un violoncelliste et d’un percussionniste.

Avec ce premier album, il récolte une nomination à l’ADISQ dans la catégorie «Instrumental». Le musicien a clairement pris goût à l’expérience, si bien qu’il compte produire un disque par année, dès le printemps prochain. C’est qu’il compose et qu’il écrit beaucoup, «par plaisir, ou par obsession».  

Le propriétaire du chaleureux studio Pantouf à Saint-Élie-de-Caxton n’est pas issu d’une famille de musiciens. Petit, la musique était plutôt inaccessible, mais il en a rêvé. Aujourd’hui il savoure le son avec le même appétit que celui qui découvrait Ferland dans ses écouteurs branchés sur le meuble stéréo à douze ans.

C’est dans sa Mauricie natale qu’il présentera son premier spectacle complet, qui dure près de deux heures. «Je vais jouer devant pas mal d’amis», sourit-il. Une petite pression de plus, concède-t-il. Il sera également à Shawinigan au printemps prochain.