Elle donne une voix aux femmes marginales du 19e siècle

LITTÉRATURE. L’autrice Michèle Gélinas s’intéresse depuis longtemps aux marginaux de l’histoire, les hommes comme les femmes, ainsi qu’à l’histoire du 19e siècle. Dans les dernières années, elle s’est mise à la recherche de femmes hors normes dans les documents d’archives de cette époque. C’est le résultat que l’on retrouve dans le livre Ma voisine dérange – Portraits de femmes d’un autre siècle, volume 2.

Dans cette suite du premier volume paru en 2012, Michèle Gélinas s’est intéressée à des histoires de femmes insoumises au 19e siècle dans des situations inédites et surprenantes.

Agathe, Charlotte, Éléonore, Isabelle, Rose, Sophie et plusieurs autres furent ce que l’autrice surnomme des voisines dérangeantes. Celles-ci résidaient entre Trois-Rivières et Maskinongé pendant la période coloniale. Pour nourrir leurs enfants, obtenir justice, s’exprimer ou s’épanouir, elles ont dérogé des us et coutumes, voire transgressé des lois, ébranlant leur entourage par la même occasion.

« En épluchant les documents d’archives, on découvre que ce n’était pas si rare de trouver une femme qui avait du front et qui dérangeaient. Il n’y a jamais de cas qui se répètent dans le livre, car la variété est très grande. Ça peut être des femmes qui vont prendre la parole publiquement pour défendre la cause des femmes ou une idée en particulier. Il faut remettre cela dans le contexte où les femmes n’avaient pas le droit de prendre la parole publiquement à cette époque », raconte Michèle Gélinas.

« On retrouve aussi des cas de femmes qui ont fait dans la petite criminalité en transgressant des lois pour nourrir leurs enfants. Il y a aussi le cas d’une mère infanticide. J’ai ainsi amassé plusieurs histoires individuelles à travers des témoignages et des preuves retrouvées dans des documents d’archives. À cette époque, les femmes étaient seules quand elles se débattaient », ajoute l’autrice originaire de Grand-Mère.

L’histoire quotidienne des femmes du 19e siècle est peu documentée. C’est en lisant l’histoire des villages du territoire du nord du lac Saint-Pierre en espérant dénicher un nom ou une légère référence, en feuilletant les lettres des lecteurs et les énumérations des personnes passant en cour dans les journaux de l’époque et en parcourant des boîtes remplies d’archives qu’elle est parvenue à retracer ces femmes dont l’histoire n’a pas retenu le nom.

« Je suis parfois tombée sur des choses extraordinaires, mais elles sont cachées dans le fond des boîtes! Je faisais venir des documents au centre d’archives et je les sortais un à un pour voir s’ils pouvaient me servir, s’ils concernaient une femme. Au final, ce sont toutes des petites histoires individuelles, mais ça montre que les femmes faisaient quelque chose », explique Mme Gélinas.

À force de travailler des mois durant sur chacune de ces femmes, elle a aussi fini à s’attacher à quelques-unes d’entre elles.

« Il y a quelque chose de sympathique dans leur démarche et leur misère. Je me souviens d’une femme que son mari battait à coups de poing au visage. Elle est allée en cour, mais le juge a refusé la séparation de corps. Les voisins se sont défilés au moment de témoigner. Le mari est revenu deux semaine plus tard à la maison. Je me suis attachée à elle et à son histoire », confie-t-elle.

Ce samedi 17 septembre, Michèle Gélinas sera de passage à 14h la Salle des Aînés à Saint-Alexis-des-Monts pour présenter une conférence sur le deuxième tome de Ma voisine dérange – Portraits de femmes d’un autre siècle, publié récemment aux Éditions GID. L’activité est gratuite.

« Pour l’occasion, j’ai décidé de miser sur des femmes qui gagnaient. Parfois, ce sont de toutes petites victoires, comme la vieille fille qui a finalement réussi à se marier dans la cinquantaine. Au final, elle a eu une maison, un toit. C’est une petite victoire, mais ça compte. »

« Ce que je veux faire, c’est faire connaître une autre histoire que l’histoire officielle que l’on retrouve dans les livres d’histoire. Les gens qui viennent m’écouter en conférence ou qui lisent le livre découvriront autre chose que les grandes lignes politiques. Il y avait une vie en arrière de ces grands courants politiques et sociaux et elle est aussi importante », conclut-elle.