Tornade: 20 ans déjà

Il y a 20 ans, jour pour jour, une tornade de force F3 faisait des ravages dans la région, plus particulièrement dans le village de Maskinongé. Malgré des cicatrices psychologiques et physiques, toute la communauté s’est relevée rapidement. «Miracle!» dira Yvon Picotte, alors ministre à l’Assemblée nationale, aucune vie ne fût arrachée ce jour-là. Voici trois témoignages qui relatent l’évènement tel que vu par les gens d’ici.

Tornade et mariage

«Tout a commencé vers 13h, se souvient Gisèle Lajoie, d’immenses nuages prenaient place dans le ciel. Le temps était calme, il faisait chaud et humide. On entendait le tonnerre gronder au loin.

Mon époux travaillait à la quincaillerie, j’étais à la maison avec ma fille et mon garçon. J’ai demandé à mon fils d’aller ranger des outils et des objets dans notre abri. Il était déjà très serviable malgré ses neuf ans. Il a rejoint son père à la quincaillerie par la suite.

Peu de temps après, un homme s’est présenté à mon mari avec un vélo tandem. ‘‘Je me marie la semaine prochaine, lui a-t-il annoncé. Ma future épouse n’aime pas vraiment faire de la bicyclette, alors j’aimerais vous la vendre.’’ Les vélos tandem n’étaient pas très à la mode, mais mon conjoint lui a dit qu’il essaierait de lui trouver un acheteur.

Peu après, notre fils a fait apparition dans le magasin. Voulant lui faire plaisir, mon mari lui a offert d’aller faire un tour en solitaire avec le tandem. Il était 17h15. Le petit s’est dépêché de s’en venir voyant le temps de plus en plus maussade. Les vents violents l’ont fait trébucher de la bicyclette, il était blessé et avait hâte d’être à la maison.

Je croyais que mon fils était avec mon mari quand la tornade est arrivée. Je suis allée me protéger au sous-sol avec ma fille. Avec tout le bruit que cela provoquait, c’était impossible d’entendre la sonnette que mon fils actionnait frénétiquement. Sans réponse, il est allé voir le voisin d’en face, il était très ami avec son garçon. Malheureusement, il s’est buté à une porte close une fois de plus. Il a fait le tour des voisins. Pendant que tout le monde était à l’abri de la tornade, lui était blessé et dehors. À l’intérieur, on voyait les vitres qui gondolaient comme des ballons, inévitablement, elles ont éclaté. Après 27 secondes de terreur, il y avait des débris partout. Je suis accourue vers mon fils qui était blessé à la tête.

Il était le premier à vouloir aider lors du grand nettoyage qui a suivi. Il est devenu très mature à partir de ce jour-là et il a toujours aimé protéger et servir les autres. Je suis fière de lui, il est rendu policier maintenant.

Quant à ma fille, elle se marie le 27 août 2011, soit 20 ans plus tard. C’est une coïncidence incroyable! Pour moi le 27 août ça voudra dire à jamais «tornade et mariage.»

Séance de psychologie au Salon de coiffure

Jean-René Lemire est presque habitué de raconter l’histoire de la tornade dans les médias, on lui avait confié le rôle de décrire la pénible journée à l’émission La petite séduction, diffusée le 23 mai 2007 à la télévision de Radio-Canada.

Il pratiquait son métier le jour où c’est arrivé. L’année qui a suivi la tornade, pas un jour ne s’écoulait sans qu’on lui en parle.

«Tout le monde qui venait s’asseoir sur ma chaise au commerce me racontait ce qu’ils avaient vécu. Je m’efforçais de les écouter le mieux possible, ça fait partie de mon travail. Pourtant, j’avais traversé la même épreuve qu’eux autres.

Ce jour-là j’étais dans mon salon avec une cliente qui s’inquiétait pour sa mère, elle voulait sortir à tout prix. Heureusement, j’ai réussi à la convaincre que nous étions plus en sécurité à l’intérieur.

Ç’a été une année difficile. Je me suis fait rappeler constamment ‘‘les 27 secondes de terreur’’, je ne pourrai jamais l’oublier. Il y en a qui étaient gravement touchés moralement et qui avaient vraiment besoin de parler.»

Un mardi de terreur

Une lectrice nous a fait parvenir son récit de cette journée marquante.

«C’était le mardi 27 août 1991, mon père Jean-Vital Lemyre était transporté par ambulance des soins intensifs de Trois-Rivières en direction de l’Institut Cardiologie de Montréal, raconte-t-elle.

Vers 14h, il passait sur l’autoroute 40 sans s’imaginer qu’il ne rentrerait plus jamais dans sa maison située sur la rue Paquin. Ma mère était à la résidence, elle planifiait le retour de mon père pour sa convalescence.

Vers 17h, rongée par l’inquiétude de l’opération, elle a décidé d’aller se reposer un peu dans sa chambre.

Environ 30 minutes plus tard, c’était elle qui se battait pour rester en vie. La tornade faisait rage, elle s’est réfugiée derrière le divan du salon pour se protéger. Elle est sortie de cette catastrophe avec une lésion à un œil. Ma mère était en état de choc nerveux quand elle est allée s’abriter chez une voisine. C’est là que je l’ai trouvée. Il a fallu beaucoup de temps avant qu’elle puisse être transportée par ambulance à l’hôpital, puisque le chemin était pratiquement inaccessible pour se rendre à Maskinongé.

Deux jours plus tard, elle déménageait dans un logement à Louiseville. Branle-bas de combat pour cacher la nouvelle à mon père qui devait subir trois pontages le lendemain. Finalement, l’opération a été retardée et je me souviens très bien avoir dit à mon père, suite à une photo qu’il avait vue dans les journaux, que sa maison n’avait presque rien. Il trouvait ça très curieux étant donné que le voisin avait la même sorte de maison que lui et qu’il croyait l’avoir aperçue dans les médias.

À sa sortie de l’hôpital, il a été rejoindre ma mère à Louiseville. Ils ont presque tout perdu: vêtements, meubles, souvenirs… Ils sont déménagés dans leur nouvelle maison en février 1992.

Ce jour-là, au moment de la tornade, j’étais chez mon coiffeur et Jean-René a décidé d’attendre que l’orage passe avant de continuer de me coiffer. Je le remercie d’ailleurs de m’avoir convaincue qu’il fallait mieux rester à l’intérieur.

Ensemble, on a vu les lumières du terrain des loisirs se plier et nous avons vu une couverture de maison se faire décimer en une fraction de seconde. Son fils est arrivé au salon, tout bouleversé, car il avait été projeté dans la côte en face de chez lui. Heureusement il n’avait rien.»

Rares et violentes

Les tornades de force F3 sont très rares. C’est le type le plus élevé à avoir été observé au Québec. Une seule autre tornade de force F3 s’est produite dans la province depuis celle de Maskinongé, c’était à Aylmer située dans la région de l’Outaouais en 1994.