Heureux et en santé… à 100 ans!
TÉMOIGNAGE. Confortablement assis dans son fauteuil berçant, à proximité de la fenêtre donnant sur la route Lupien, à Sainte-Angèle-de-Prémont, Réal Rivard a encore aujourd’hui bien de la difficulté à réaliser que 100 années se sont écoulées depuis sa naissance.
On lui a donné rendez-vous lors des derniers jours pour en apprendre davantage sur son parcours de vie. Accompagné de sa fille Francine, M. Rivard n’était pas peu fier de nous accueillir chez lui.
Natif de Saint-Eugène-de-Guigues, en Abitibi-Témiscamingue, Réal Rivard a atteint l’âge vénérable de 100 ans, le 12 août dernier.
M. Rivard a grandi sur la terre familiale. Aussitôt apte à travailler, il a été embauché par la compagnie minière du secteur. Devant se rapporter à l’armée, à l’âge de 21 ans, il a décidé de déménager à Montréal chez l’un de ses oncles. Son séjour dans la métropole a toutefois été de courte durée. Peu de temps après son arrivée, M. Rivard a fait ses valises et s’est rendu chez un autre oncle à Saint-Paulin pour travailler.
«Je suis resté un peu moins d’un an là-bas. J’étais comme caché de l’armée. Je travaillais d’un bord et de l’autre. Il n’y a jamais personne qui m’a arrêté et qui m’a questionné. Quand j’allais travailler dans le bois à la Casey en Haute-Mauricie, ou au Lac-Saint-Jean, on y allait en train. La police militaire se promenait et questionnait tout le monde sauf moi. Elle ne m’a jamais rien demandé. Je n’étais pas très gros. Peut-être que ça ne les intéressait pas de m’avoir. Je ne me suis jamais fait achaler», se souvient-il.
Deux ans plus tard, Réal Rivard a lui-même fait le choix de quitter son emploi de travailleur forestier pour s’enrôler dans l’armée, mais sa candidature fut rejetée dès les premières étapes de sélection. «J’ai passé les examens. Je ne sais pas ce qui s’est passé, mais je suis sorti de là avec un papier qui disait que je n’étais pas bon pour l’armée. Il y a probablement quelqu’un qui avait tracé mon chemin. J’étais libéré. Je suis revenu à Saint-Paulin pour travailler dans un garage de mécanique automobile. Il y avait des pompes à gaz. Dans ce temps-là, les automobiles commençaient à sortir. Il n’y en avait pas beaucoup. J’étais un homme à tout faire. J’ai travaillé là pendant six ou sept ans», raconte M. Rivard.
Ce dernier était aussi en charge de transporter les travailleurs vers les chantiers forestiers à Saint-Alexis-des-Monts avec un « snowmobile » en période hivernale. Il a ensuite été donner un bon coup de main à son ami et garagiste Florent St-Yves à Louiseville. «J’ai toujours travaillé dans les garages», signale-t-il.
Garage Rivard
Avec l’expérience acquise dans ce domaine, Réal Rivard a finalement ouvert son propre garage de mécanique à Sainte-Angèle-de-Prémont, en 1952. «Dans ce temps-là, ce n’était pas comme aujourd’hui. On faisait de tout et on réparait n’importe quoi. Je faisais de la peinture. J’avais une petite remorqueuse et je pouvais dépanner le monde», mentionne-t-il.
Travailleur infatigable, M. Rivard a un jour choisi de s’établir pour de bon à proximité de son garage. Ainsi, en 1954, il a déménagé sa résidence qu’il a construite à Saint-Paulin vers Sainte-Angèle-de-Prémont. «Ça m’a coûté 50$ et c’est Napoléon Casaubon qui l’a déménagé. Il avait même fallu couper deux arbres en chemin. Ça m’avait coûté 5$ pour chaque arbre», relate-t-il.
Le Garage Rivard a été en opération pendant 19 ans. La construction de la route 350 a entraîné sa fermeture par expropriation en 1971. «J’ai été obligé de fermer le garage parce que je n’avais plus de cour et beaucoup moins d’espace pour travailler.»
S’il n’était pas dans son garage, Réal Rivard était en forêt. Amoureux de la nature, le Prémontois s’est procuré une terre à bois sur le rang Augusta après la fermeture de son entreprise. Il a également fondé et opéré un club de chasse et de pêche avec deux amis sur un territoire protégé près du barrage Gouin. «J’ai toujours adoré la nature. Il n’y a rien de mieux que ça! Même à mon âge, je vais toujours sur ma terre à bois avec quelqu’un», lance-t-il.
Grande famille
Réal Rivard est l’aîné d’une famille de 10 enfants. Ses deux frères jumeaux, les plus jeunes de la famille, sont toujours en vie.
M. Rivard s’estime très chanceux de n’avoir aucun ennui de santé et d’être toujours en forme à son âge. Cependant, il doit composer depuis moins d’un an avec le décès de son épouse Rollande Rivard-Elliott survenu le 25 avril dernier. Elle l’a quitté alors qu’elle avait 97 ans. «Je suis seul dans la maison et je ne m’habitue pas. Sa présence me manque», admet M. Rivard.
Avec sa bonne humeur contagieuse, son sens de l’humour, ses nombreuses anecdotes et sa vivacité d’esprit, Réal Rivard ne montre aucun signe de faiblesse.
Le secret de sa longévité? «C’est le vouloir!», répond-il. «Je ne m’en fais pas avec les problèmes. Je les oublie. Il ne faut pas s’inquiéter de la vie et il faut faire attention à sa santé. J’ai toujours aimé travailler. L’ouvrage ne m’a jamais fait peur. Je n’ai jamais arrêté. Après tout, travailler ça ne fait pas mourir. Je suis toujours actif. Il faut que je grouille. Je me trouve toujours quelque chose à faire. Présentement, il n’y a pas de neige à pelleter, mais s’il y en avait, j’irais la pelleter», confie-t-il.
Père de six enfants, Réal Rivard se dit choyé de pouvoir compter sur leur présence. «Je ne suis pas à plaindre. Mes enfants prennent soin de moi et ils viennent me voir régulièrement», se réjouit-il.
L’homme de Sainte-Angèle-de-Prémont est autonome. La preuve, il possède toujours son permis de conduire ainsi qu’un véhicule pour se déplacer. Puis, sa mémoire est toujours fidèle! «J’ai été chanceux dans la vie. J’ai profité de bien des affaires, ce n’est pas croyable. J’ai fait une belle vie», confirme le centenaire.
Sauvés d’un incendie
Le 22 novembre 2018, Rollande et Réal Rivard ont été sauvés par deux passants d’un incendie qui menaçait de se propager à leur résidence. Claude Julien et Jocelyn Déry, deux citoyens de Sainte-Ursule, étaient en route pour le travail et circulaient sur la route Lupien vers 5h30 lorsqu’ils ont aperçu de la fumée s’échapper à l’arrière de la résidence du couple de personnes âgées. Ils se sont arrêtés pour demander à un voisin d’appeler les pompiers et ont foncé vers la maison dont le garage, situé tout près, était la proie des flammes. Instinctivement, ils ont pénétré à l’intérieur du bâtiment pour réveiller les deux occupants et les sortir. Aussitôt à l’extérieur, ils ont été placés en sécurité chez des voisins.
«J’ai tout perdu ce qu’il y avait dans mon garage. Une chance que ces gens-là ont eu connaissance que le feu avait pris parce que sinon je ne serais peut-être plus ici pour en discuter. Tout s’est fait vite. Je remercie encore ces deux personnes-là de nous avoir sauvés», commente M. Rivard.
Ces deux citoyens ont d’ailleurs été honorés par les municipalités de Sainte-Ursule, de Sainte-Angèle-de-Prémont, le Comité de sécurité publique de la MRC de Maskinongé, le député Simon Allaire et le gouvernement du Québec.