Un moratoire de cinq ans pourrait s’avérer insuffisant

Pierre Magnan qui dirige le comité de suivi sur l’état du stock de perchaudes dans le lac Saint-Pierre est d’avis que le sort du poisson est loin d’être sauvé, et ce, même si le moratoire de cinq ans est respecté à la lettre. Au même moment, les pêcheurs sportifs affirment sortir des perchaudes en quantité considérable du lac Saint-Pierre.

Le Dr Magnan défend fermement les données recueillies par le groupe de biologistes qui ont guidé le gouvernement vers l’imposition, puis le maintien d’un moratoire de cinq ans interdisant la pêche à la perchaude sur le lac.

«On a pris cette décision en sachant très bien l’impact économique. Je suis le dossier depuis 1998 et on a tout fait pour garder la pêche ouverte. Je veux envoyer comme message que nous n’avons pas pris cette décision isolée dans une bulle. La recommandation de cinq ans ferme, ce n’est pas un chiffre en l’air, ça représente une à deux années de reproduction pour la perchaude. Cinq ans, c’est minimal. Moi, en tant que scientifique, je ne peux même pas garantir que les perchaudes vont parvenir à se renouveler, même avec un moratoire de cinq ans. Si on octroyait la pêche blanche à la perchaude, ça serait devenu une certitude que le stock n’allait pas se renouveler», explique-t-il.

Point de vue diamétralement opposé

Les pourvoyeurs interrogés croient pour leur part que les études des scientifiques ne correspondent pas à la réalité que les pêcheurs constatent sur le lac. Depuis le début de la pêche blanche, le poisson faisant s’agiter les lignes est généralement la perchaude selon eux.

«Il s’est pris 1000 perchaudes, peut-être 1500, c’est épouvantable le nombre de perchaudes qu’on doit remettre à l’eau. C’est pour ça qu’on veut que le moratoire cesse. S’ils mettent le moratoire, qu’ils le mettent partout à la grandeur du fleuve St-Laurent», exhortait Denis Saint-Pierre, propriétaire de la pourvoirie Martin Pêcheur, une semaine après l’ouverture de la pêche blanche. Ces prises sont remises à l’eau afin d’aider la perchaude à se reproduire. Selon les pêcheurs, 50% des spécimens vont quand même périr.

Encore là, Pierre Magnan diverge d’opinion. Selon lui, 80% des perchaudes vont survivre en eau froide.

«Les prises accidentelles devraient quand même représenter une perte d’au moins une tonne», prévoit-il.

Un autre point de mésentente entre les pêcheurs et les biologistes concerne l’emplacement des perchaudes. Les chercheurs croient que les perchaudes vivant dans le lac Saint-Pierre forment une population indépendante, tandis que les pourvoyeurs affirment que ce sont les mêmes spécimens qui sont pêchés en aval du pont Laviolette, là où la pêche est autorisée. Les études à cet endroit devraient être terminées vers la fin du mois de janvier et le Dr Magnan estime que l’imposition d’un moratoire y est également probable.

Pour en revenir au lac Saint-Pierre, sans les moyens des scientifiques, les pourvoyeurs ont mis en place une étude maison, un sondage, demandant aux pêcheurs sportifs d’identifier les poissons qui sont pêchés lors de leur visite. Le problème, c’est que les amateurs de ce sport hivernal délaissent le plan d’eau en raison du moratoire. «Les gens savent qu’ils n’ont pas le droit de pêcher la perchaude, alors ils ne viennent plus. On perd un profit épouvantable. On ne peut pas survivre seulement avec le doré. Pourtant, la perchaude, il y en a en abondance. On voulait augmenter le quota à 20, parce qu’il y en avait trop. Apparemment, notre scientifique croit qu’il n’y a plus de perchaudes. Ils ont fait de mauvaises études. Ils devraient croire les pêcheurs, ceux qui sont sur le terrain, qui ont gagné leur vie avec ça, ces gars-là sont prêts à collaborer. S’ils ne lèvent pas le moratoire, je ne sais pas ce qui va arriver avec les pourvoyeurs», s’alarmait Claude Desaulniers, propriétaire de la pourvoirie Qui Maur-ici-e.

Pour sa part, l’Aire Faunique Communautaire du lac Saint-Pierre prévoit faire circuler une pétition sous peu.

Les perchaudes ont la vie dure

En dehors des pêcheurs et des cormorans, un autre prédateur guette la perchaude selon les biologistes; le phosphore.

La proportion du lac où l’on retrouve du phosphore en quantité considérable croit sans cesse. La survie des perchaudes est impossible dans les zones touchées.

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