Témoignage choc d’un jeune paraplégique

TÉMOIGNAGE. Jonathan Plante était un jeune charpentier-menuisier. Était, car le 12 mars 2007, sa vie a basculé. Il a fait une lourde chute sur un chantier de construction, le rendant paraplégique. Jonathan Plante participe, depuis quatre ans, à la tournée de sensibilisation de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) dans les écoles secondaires, les centres de formation professionnelle et les cégeps du Québec. Il offre un discours rassembleur et porteur de réflexions, parsemé de sarcasme et d’humour ici et là. «Mon objectif est simple: je veux provoquer une réflexion en vous. Je veux que vous vous demandiez ce que représente la santé et sécurité, et quelles sont les vraies raisons de respecter les règles, lois et procédures», lance-t-il d’entrée de jeu. Il résume ensuite sa vie avant l’accident. Il était déjà très téméraire, notamment en roulant à 240 km/h au volant de sa nouvelle moto, et à 100 km/h sur une seule roue. Ce même désir d’adrénaline qu’il ira plus tard chercher sur les toitures de son futur travail. Il a d’abord occupé le métier de machiniste avant qu’un bon ami ne l’invite dans son équipe de charpentiers-menuisiers. De son propre aveu, il aimait bien s’aventurer sur le point le plus haut des toitures. Le 12 mars 2017, c’est à titre de charpentier-menuisier qu’il est tombé sur un chantier de construction. «Chaque matin, je me rappelle de cette date lorsque je dois embarquer dans ma chaise roulante. C’était pourtant une journée qui s’était amorcée comme toutes les autres. La même routine habituelle. Nous avions installé une simple planche de 2 par 10 pour accéder au toit. S’en est suivi une chute de 15 pieds…» Les dommages étaient irréversibles. Les vertèbres D10 et D11 se sont sectionnées, tandis que la vertèbre D12 a éclaté. La vie de Jonathan Plante venait de basculer… «La phrase qui me revient toujours en tête : tout ça pour 10 minutes! Il ne nous aurait fallu que 10 minutes pour se construire une belle rampe solide. Nous avions les matériaux, les outils et les compétences pour le faire. Mais nous avons décidé de prendre un raccourci…» «Après une opération de sept heures, le chirurgien est venu me rencontrer. Il a fait évacuer les gens dans la chambre et il m’a annoncé que je ne remarcherais plus jamais. J’avais tellement de questions en tête que j’ai réalisé ce qui m’arrivait vraiment plusieurs semaines plus tard seulement», confie-t-il. Couple uni malgré les séquelles Jonathan Plante n’a que de bons mots pour sa conjointe, qui est encore à ses côtés depuis plus de 18 ans. «Quand je regarde autour de moi, c’est dur de voir toutes les vies des gens qui ont basculé ce jour-là. Je m’en rends moins compte chez ma blonde, car ça nous a soudés. J’ai l’impression qu’elle est tombée avec moi le 12 mars 2007.» «Mais nous avons fait un  »deal » en mars 2017. Si un jour elle trouve ça trop difficile, je vais la laisser partir. Je vais lui ouvrir la porte s’il le faut. Je l’aime assez pour la laisser partir, car je lui dois tout», ajoute-t-il. Il explique également certaines de ses séquelles, tout en clarifiant qu’il a été chanceux dans sa malchance. «Je ne contrôle pas ma vessie, donc je ne la sens pas. J’utilise un cathéter plusieurs fois par jour pour la vider. C’est la même chose pour mes intestins. Je dois procéder à des vidanges manuelles. Je suis quand même chanceux, car mes sphincters sont restés fermés. Sinon, je devrais porter des sacs.» «Je n’ai plus de fonctions sexuelles, mais heureusement qu’il existe Cialis et Viagra. La vie sexuelle de ma blonde a complètement changé également. Ce sont des séquelles difficiles à vivre. L’orgueil, la fierté et la dignité en mangent une claque!» Le jeune homme rappelle qu’il peut s’adonner à plusieurs des activités qu’il pratiquait autrefois, mais qu’il y a toujours un « mais » qui vient compliquer les choses. Petit miracle À peine quelques jours avant l’accident, le couple parlait de fonder une famille très prochainement. Dorénavant, la seule solution possible était la méthode de Fécondation in vitro (FIV). Le 26 novembre 2009 est né leur fils, suivant le troisième et dernier essai in vitro. «Lorsqu’ils m’ont mis mon petit bonhomme dans les mains, je me suis dit que c’était la plus belle chose qui m’était arrivée dans ma vie.» Le 30 mars 2012 est ensuite née leur fille, également suite à un troisième et dernier essai in vitro. «Pendant plusieurs années, j’ai essayé de trouver des mots pour expliquer ce que représentent mes enfants à mes yeux. Je n’ai pas encore trouvé de mots assez forts. 10 ans et demi plus tard, ça va bien et je suis heureux!», conclut-il. Ce qu’il raconte aussi lors de son témoignage… «Mes deux cocos ne souffriront jamais de tous les besoins de base. Mais je sais que plusieurs moments magiques n’auront jamais lieu. Ma blonde leur donne un bec sur le front le soir, lorsqu’ils sont couchés. De mon côté, je ne peux qu’embrasser ma main et la conduire sur leur front. Vous ne savez pas le prix que je serais prêt à payer juste pour être capable de faire ce simple geste» «À tous les jours, la réalité me rattrape. Et cette phrase: tout ça pour 10 minutes! Puis un soir, mon garçon de trois ans et demi m’a demandé: Papa, sais-tu ce que je vais faire plus tard? Je vais trouver une façon de te réparer les jambes. Mon cœur de père a fendu en deux.» «Le 12 mars 2007, j’ai été extrêmement égoïste en pensant que cet accident ne pouvait qu’arriver aux autres. Face à un risque, pensez d’abord à votre passion, au cas où ce serait la dernière fois. Pensez à toutes vos proches, que vous aimez, et que ça pourrait toucher» «Je vais vous laisser en vous souhaitant de vous rendre à votre journée de retraite en santé. Je vais aussi me souhaiter une chose. Je vais me souhaiter de ne jamais vous croiser dans un centre de réadaptation, car je vais souvent aider les nouveaux accidentés. Soyez prudents!»