Patrice Duhaime : travailleur de l’ombre

COMMUNAUTÉ. Souvent présents dans les lieux publics, les travailleurs de rue ne sont peut-être pas facilement identifiables du premier coup d’œil, mais ils jouent un rôle essentiel dans le milieu et leur apport est inestimable.

Patrice Duhaime œuvre depuis 22 ans pour le Travail de rue communautaire (TrueC) de la MRC de Maskinongé. Pour rien au monde il ne changerait d’emploi. Son travail consiste à intervenir auprès de jeunes ou d’adultes qui sentent le besoin de se confier et qui vivent toutes sortes de difficultés. Il va à la rencontre des personnes là où elles se trouvent et offre l’accompagnement, le support et les conseils appropriés.

«Ce qui me passionne, c’est l’être humain dans son entièreté, d’aller à sa rencontre et de pouvoir écouter ce qu’il a à me dire sans censure. Ça donne lieu à un partage et à des échanges. C’est de l’intervention informelle et c’est justement cette façon d’intervenir qui me rejoint au plus haut point», confie-t-il.

Emploi sur mesure

Impliqué dans la mise sur pied du TrueC en 1994, Patrice Duhaime est devenu, peu à peu, le travailleur de rue qu’il est aujourd’hui. Sans formation spécifique, il a développé ses compétences et a appris «le métier» aux côtés de Michel Purcell, le coordonnateur de l’organisme.

«À la base, j’avais déjà les qualités et l’intérêt pour ça. Les gens m’ont toujours confié des choses depuis que je suis tout jeune. J’ai toujours attiré les confidences. J’ai cette facilité à écouter les autres. De fil en aiguille, j’ai acquis de l’expérience. Mes qualités se sont raffinées avec le temps et j’aime toujours ce que je fais», exprime-t-il.

Sur le terrain, M. Duhaime est aux premières loges des divers enjeux sociaux. Dans le cadre de son travail, il soutient fréquemment des personnes aux prises avec des problématiques interpersonnelles, de pauvreté, de santé mentale et de toxicomanie.

«Notre travail a un impact chez les gens, ne serait-ce que pour leur permettre de ventiler ce qu’ils vivent. On devient un confident»

– Patrice Duhaime

«Comme intervenant de première ligne, on éteint beaucoup de feux. Dans la rue, nous sommes des généralistes. J’ai à me positionner rapidement sur ce que la personne me raconte. Notre travail a un impact chez les gens, ne serait-ce que pour leur permettre de ventiler ce qu’ils vivent. On devient un confident. On les aide dans leur cheminement. On est complémentaire aux autres ressources existantes. On fait aussi régulièrement le pont entre les services et les individus. Pour les gens, ça fait du sens et on contribue à briser leur isolement», affirme l’intervenant.

Travail de rue virtuel

La pandémie de COVID-19 constitue une réalité particulière et inhabituelle à laquelle personne n’était préparé. Malgré la grande résilience et la capacité d’adaptation de la population, cette situation peut avoir d’importantes conséquences sur la santé physique et mentale ainsi que sur le bien-être émotionnel de plusieurs personnes. Dans ce contexte, pour mieux rejoindre sa clientèle vulnérable, le TrueC a intégré le travail de rue virtuel lors des derniers mois.

«C’est surtout pour ne pas perdre le contact avec certaines personnes. On ne se sert pas des réseaux sociaux pour faire des interventions. Ce n’est pas facile de ventiler et de communiquer tes émotions avec un clavier. On privilégie toujours les rencontres en personne», souligne Patrice Duhaime.

Ce dernier rappelle que la COVID n’aide en rien à surmonter les difficultés auxquelles les gens de la région sont déjà confrontés. «La pauvreté et les souffrances augmentent chez nous. Le contexte social n’est pas très favorable à l’épanouissement humain ces temps-ci. C’était déjà difficile avant. La COVID n’est pas venue améliorer les choses. Ce n’est pas tant le virus, mais plus les mesures restrictives qui sont venues empirer la situation. Les gens ont de la difficulté à vivre avec ça», remarque le travailleur de rue.

Restructuration

Avec une moyenne de 600 interventions chaque année, l’organisme basé à Louiseville prouve qu’il a toujours sa raison d’être 26 ans après sa fondation. «Les besoins évoluent, mais le travail de rue aura toujours sa place. Ça s’adresse à tout le monde, peu importe l’âge et la classe sociale. C’est la beauté et l’une des forces du travail de rue. N’importe qui peut avoir recours à nos services. C’est facile de nous joindre et de nous parler», signale Patrice Duhaime.

Après plus de 30 ans de carrière en animation et intervention, Michel Purcell quittera vers la retraite le printemps prochain. Ce départ force l’organisme à revoir sa structure. Patrice Duhaime devrait reprendre la coordination de l’organisme de façon intérimaire jusqu’à l’embauche d’une nouvelle ressource. Le TrueC prévoit également faire l’ajout d’un travailleur de rue supplémentaire à son équipe-terrain au cours de la prochaine année. «C’est quelque chose de stimulant pour moi. Je prépare actuellement un plan pour la suite. On vise une cogestion et on souhaite mettre plus d’énergie sur le terrain», termine-t-il.