Parc national de la Mauricie: le passage de la drave à la restauration écologique ne sera pas terminé en 2024

ENVIRONNEMENT. En plus de la pandémie de Covid-19, le programme de restauration des écosystèmes aquatiques lancé en 2004 au Parc national de la Mauricie doit relever d’énormes défis issus de 150 ans de passé forestier.

C’est l’histoire des lacs et cours d’eau jadis striés de vastes couverts de billes de bois, manuellement convoyés par flottage en direction de l’industrie papetière ou des constructions à l’étranger. Armées de gaffes et de crochets à billes comme au bon vieux temps, les équipes à pied d’œuvre depuis 15 ans sont aussi passionnées que les draveurs du siècle dernier, mais leur objectif est plutôt de redonner au parc son intégrité écologique.

«On voit les impacts, on les étudie et en plus, on restaure. La méthode des années 90 était différente parce que le niveau de la mer a baissé», explique Kim Charbonneau qui coordonne le programme de conservation et de restauration lancé au parc de la Mauricie (CoRe) en 2004. À ce jour, cette initiative a permis de débarrasser une vingtaine de lacs de plus de 100 000 billes de bois, mais le projet n’est pas sorti du bois. La Mauricie écologique peine à se remettre des séquelles de cette longue exploitation forestière.

Ça prendra du temps

Les estacades et les barrages construits pour les besoins de la drave depuis 1827 ont affecté le niveau de l’eau. Les billots de bois qui ont échoué sur les rives et dans les bas-fonds sont encore le cauchemar des milieux humides, tel que des études le révèlent depuis 30 ans.

«Ça peut prendre des millénaires avant qu’une bille de bois réussisse à se décomposer», illustre Mme Charbonneau. Elle explique que les vestiges de la drave affectent la qualité de l’eau à travers le déploiement des grandes quantités de microorganismes de la matière ligneuse qui consomment de l’oxygène.

L’une des premières victimes est l’omble de fontaine, un poisson d’eau douce très exigeant en oxygène dissout. C’est la principale espèce qui écumait massivement les cours d’eau de la Mauricie il y’a quelques décennies.

«On a perdu environ 50% de la population de l’omble de fontaine», explique Kim Charbonneau dont les équipes travaillent à la revitalisation de certains habitats menacés. Elles vont jusqu’à pratiquer des reproductions en captivité pour en réintroduire la progéniture dans des lacs dépouillés d’espèces exotiques.

Il reste encore plusieurs tonnes de roches à retirer pour retrouver des écosystèmes riverains. Les équipes du CoRe qui évoluent par bassin versant ont à peine fini le lac du Portage cette année.

«Ensuite, on a le lac des Cinq où on estime à 15 000 le nombre de billes de bois à retirer, il y en a eu jusqu’à 40 000 ailleurs. Le lac Wapizagonke pourrait avoir des surprises l’année prochaine à cause de la scierie au secteur de la clairière, la rivière Saint-Maurice aussi», énumère Mme Charbonneau dont la passion et le courage ne suffisent plus. Elle n’a plus aucun doute sur l’incapacité du programme à combler les attentes dans les délais prévus en 2024. «On va refaire des demandes pour poursuivre», s’imagine-t-elle devant l’immensité de la tâche que la pandémie de Covid-19 aggrave.

Des conditions difficiles

C’est une équipe expérimentée de quatre personnes et deux agents pour la récolte des données en vue du suivi avec toute l’équipe de conservation du parc national de la Mauricie. Aucune route ne donne accès à ce qui est connu comme étant l’arrière-pays du parc national de la Mauricie. Les agents doivent pourtant franchir 4 lacs et des kilomètres de sentier de portage pour y retrouver un camp de travail pour une semaine. Cette année, ils ont démarré leur travail avec deux mois de retard en raison des restrictions liées à la pandémie.

L’hiver est la période propice pour les prises d’oxygène, le transport et la maintenance du matériel. L’équipement plus lourd est acheminé en motoneige. Tout cela est moins coûteux que par hélicoptère, mais avec la crise, l’activité pourrait encore tourner au ralenti.