L’improvisation d’hier à aujourd’hui

Le jeu d’improvisation tel que pensé par Robert Gravel et Yvon Leduc a beaucoup évolué depuis 1977, selon ce que nous ont révélé les joueurs de la Ligue Nationale d’Improvisation (LNI) qui ont affronté la Ligue d’Improvisation de St-Alexis-des-Monts (LISA), vendredi dernier. L’Écho vous présente aujourd‘hui un reportage sur cette forme de sport artistique qui fait parfois rire, parfois pleurer.

L’art et l’improvisation sont liés depuis bien plus longtemps que le mythique premier match du 21 octobre 1977 à minuit, disputé à la maison Beaujeu sur la rue Notre-Dame à Montréal. On rapporte que des comédiens romains exerçaient le «théâtre improvisé» 300 ans avant notre ère.

Par contre, Robert Gravel et Yvon Leduc ont été les premiers à créer un jeu moderne accessible à tous. D’ailleurs, une majorité des actuels finissants québécois ont eu l’occasion de pratiquer l’improvisation au moins une fois lors de leur passage dans le système d’éducation.

La joueuse professionnelle Maryvonne Cyr a bien voulu donner son avis sur ce que représente l’improvisation pour elle.

«C’est un outil d’expression et d‘apprentissage qui nous permet de croître en tant qu’individu, en tant que groupe et en tant que société, c’est fort ce que je dis, mais j’y crois. Parce que premièrement, c’est un sport qui ne demande rien. Dans le sens que les gens se rencontrent et la préparation est presque instantanée; on a 20 secondes pour réfléchir à ce qui va se passer et on sort, de notre propre essence, tout ce qui va se vivre sur la glace.»

Maroc, Italie Norvège… et St-Alexis

Maryvonne Cyr, est allée au Maroc pour tenter d’y implanter la culture de l’improvisation, elle s’est retrouvée dans une situation assez particulière.

«Nous avons appris le jeu à des jeunes filles marocaines, certaines étaient voilées. C’était très symbolique de voir des femmes se servir de ça comme moyen d’expression pour aller devant un public et présenter leurs idées! Les gens dans la salle, parfois, ne comprenaient pas que c’était un spectacle. Il a failli y avoir une grosse bagarre, les gens n’étaient pas capables de faire la part des choses entre l’individu qui était là et l’histoire qui se jouait. Ça se battait dans la salle, il a fallu sortir des gens, parce qu’ils ne savaient pas que nous étions des comédiens; ils percevaient cela au premier degré. J’ai vu des gens hurler quand les filles disaient des choses plus provocatrices. J’étais fière de voir les Marocaines avoir le courage d’aller sur scène et de prendre parole devant le public qui hurlait, mais les joueuses avaient compris que c’était une game. Je me suis rendue compte que l’impro a été un outil qui leur a servi. Peut-être que ç’a été le point de départ pour des filles et j’espère que ça continue. c’était très touchant et émouvant.»

Zoomba a joué en Norvège avec des gens qui ne parlaient pas le français et peu l’anglais. Elle a partagé l’improvisoire avec des Italiens et elle a une multitude d‘expériences derrière sa cravate d’improvisatrice. L’entraîneuse étoile de la LNI demeure persuadée que l‘impact du jeu est significatif dans les communautés du Québec. Mentionnons qu’elle y était lors de la création de la LISA en 2007.

«Je suis revenue deux ans après l’inauguration de la ligue à Saint-Alexis-des-Monts, j’étais contente de voir que l’improvisation fonctionnait bien et un monsieur m’a fait remarquer que c’était devenu comme le parvis d’église. Il s‘y forme un esprit de communauté et de créativité qu’on retrouve difficilement s’il n’y a pas d’activité dans le genre de l’impro ou d’une troupe de théâtre au coeur des villages.»

Pour Daniel Malenfant qui joue à l’impro depuis 27 ans, participer à la vie active d’une ligue est un privilège.

«Soyez conscients du privilège que vous avez. Des gens tiennent la ligue d‘improvisation à bout de bras dans une petite communauté. Ils réussissent à avoir trois équipes complètes et compétitives. On peut retirer énormément de ce jeu. L’impro m’a offert un cadeau incroyable dans la vie: j’ai appris à rire de moi-même. Ça se peut que je me pète la gueule, mais j’ai le droit de me relever et de partir à rire et les gens ne m’en voudront jamais. Ça ne sert à rien d’essayer de plaire à tout le monde dans la vie, de vouloir toujours être excellent, mais c’est inacceptable de ne pas au moins essayer, parce que des fois quand tu essaies, tu touches à des choses magnifiques et je remercie l’impro de m’avoir fait grandir grâce à ça.»

Réforme à la LNI

La LNI s’apprête à prendre un virage qui va métamorphoser le jeu tel qu’il a toujours été pratiqué dans la ligue reine. Les équipes passeront de six à quatre joueurs dès la prochaine saison.

Certains improvisateurs comme Daniel Malenfant (6 saisons à la LNI et recrue de l’année en 2006) et Maryvonne Cyr (13 saisons à la LNI) se sont fait indiquer la porte de sortie.

«Je trouve ça dur, parce que j’aime le jeu, mais en même temps, je n’ai pas de contrôle sur les décisions. C’est un petit deuil, ça fait partie de ma vie depuis longtemps. Je vais trouver mon petit plaisir ailleurs», mentionnait Maryvonne Cyr en terminant l’entrevue.

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