L’homme qui sauve les maisons patrimoniales

PATRIMOINE.  Construite il y a 152 ans par une famille pionnière de Saint-Étienne-des-Grès, une maison située sur  la rue Principale poursuivra bientôt son histoire à Saint-Venant-de-Paquette, un petit village d’une centaine d’habitants dans les Cantons de l’Est, à proximité de la frontière américaine. 

Résident de Bécancour, Michel Martel déshabille patiemment, planche par planche, clou par clou, la maison Lemire depuis le début du printemps. « J’enlève toutes les couches jusqu’à ce que je retrouve la structure d’origine. Ces pièces seront ensuite numérotées avant d’être retirées, transportées puis remontées par le nouveau propriétaire », explique ce spécialiste des maisons patrimoniales qui a récupéré de cette façon plus de 70 maisons partout au Québec en près de 50 ans.  

Depuis 1870 jusqu’au début des années 1990, sept générations de Lemire ont habité cette modeste demeure de 25 pieds par 28 pieds. « Le nouveau propriétaire des lieux a une conscience patrimoniale. Au lieu de faire venir une pelle mécanique et de la démolir, il m’a demandé si je souhaitais la démonter pour que son histoire puisse se poursuivre », explique Michel Martel.

Lors de la visite de L’Écho, la maison Lemire était presque mise à nue, « curetée » dans le jargon du spécialiste. Une fois le mur de planches verticales retiré puis quelques tapisseries et un revêtement de carton, on retrouve les grosses poutres de bois original, empilées à l’horizontale, une par-dessus les autres, blanchies à la chaux.  « À l’époque, les gens chaulaient leur maison parce que ça protégeait le bois des bactéries. En plus, ça éloignait la vermine tout en éclaircissant la pièce. »

Les larges madriers de plus de 2 pouces d’épais au plafond, recouvert avec de la peinture lustrée blanche au plomb, sont encore en très bon était et seront aussi récupérés. Au grenier, on accède à l’intérieur de la toiture composée de vieilles planches de pin, encore là d’une largeur et longueur que plus aucune quincaillerie n’a en stock aujourd’hui.

Jamais modifiée en un siècle

Architecturalement parlant, la  Maison Lemire est typique de celles construites dans le dernier quart du XIXe siècle, mais elle représente un intérêt tout de même selon Michel Martel du fait que son intégrité structurelle a été préservée.

« Elle a la qualité exceptionnelle de n’avoir jamais été modifiée dans son intérieur, au niveau de ses matériaux, de ses divisions et de sa finition, depuis la période du premier quart du XXe siècle. Et certains matériaux sur place datent de l’origine, comme l’escalier qui monte au grenier et qui est sans doute le même qui a été fabriqué en 1870 », fait-il remarquer.   

Michel Martel prévoit terminer son travail sur la maison Lemire au début du mois de juin. « Le démontage au complet, c’est un beau spectacle. On travaille avec un boom truck. Je fais ça un samedi avec six ou sept gars. On la démonte tranquillement, pièce par pièce, comme elle a été montée il y a 150 ans. »

La plupart du temps, des membres de la famille viennent assister avec émotion à cette ultime opération =. « 99% du temps, ils sont contents de voir qu’il y a un malade dans la tête comme moi qui  la récupère au lieu de voir une pelle mécanique l’écraser en quelques minutes. C’est plutôt ça qui fait mal à voir », témoigne le sympathique bonhomme qui prévoit vendre le lot de pièces et le plan pour la reconstruire un peu plus de 30 000$.

« Les gens qui achètent ce type de maison. Ils l’assoient sur un solage en béton et vont l’isoler de l’extérieur de façon à pouvoir garder le cachet des pièces sur pièces quand ils vont y habiter », termine-t-il.