Le jour où Louiseville s’est mariée avec l‘Italie

Un couple établi à Louiseville depuis les années 1950, toujours très uni aujourd’hui, a accepté de dévoiler son histoire à L’Écho de Maskinongé. Son histoire, c’est aussi celle de l’artiste reconnu au Vatican et en Italie, le Père Antonio Cianci qui a investi plusieurs années de sa vie pour faire de l’église St-Antoine-de-Padoue de Louiseville une oeuvre d’art.

«Il est le Michelangelo de son époque. Il est reconnu partout dans le monde, mais ici, au Québec, on s’en fout de l’art. Les Louisevillois lui doivent beaucoup», fustige Olga Storaci Caron lorsqu’elle parle de son oncle avec qui elle a travaillé pendant six ans sur les fresques de St-Antoine-de-Padoue.

La saga de Mme Storaci Caron, comme toute belle histoire, est parsemée d’embuches et est guidée par la quête de l’amour véritable.

Promise à un riche baron italien, la jolie Italienne native de Palerme s’est enfuie au Canada deux semaines avant le mariage. Ici, elle a fait sa vie avec un grand romantique pas plus fortuné qu’un autre, Marcel Caron.

«J’ai cassé 15 jours avant le mariage. Je crois beaucoup au destin. La première fois que je suis arrivée ici, toute ma famille était contre moi. Je suis arrivée dans un tourbillon de mauvaise conscience. Je proviens d’une famille assez avancée dans la bourgeoisie, ils me disaient: “Qu’est-ce que tu vas trouver au Canada?”»

L’art et l’amour l’attendaient.

En 1954, elle rejoint son oncle, envoyé par le Vatican pour aider les croyants du Québec à l’embellissement des églises. Détruite par la force des flammes en 1926, l’église St-Antoine-de-Padoue de Louiseville était prédestinée à recevoir le soutien des agiles mains européennes.

Formée à l’école des Beaux-Arts, on reconnaît à Olga un grand talent dans le domaine. Le vrai maître, par contre, est le Père Fransiscain, Antonio Cianci.

Lorsque mademoiselle Storaci arrive à Louiseville, elle est placée sous la tutelle de son oncle, mais elle dit à la blague que c’est elle qui s’occupait de lui. L’humilité du Père Cianci faisait en sorte qu’on lui en demandait beaucoup, même lorsqu’il était malade. Dans ces moments-là, l’Italienne n’hésitait pas à exhiber la couleur du sang latin qui coulait dans ses veines. L’autorité des prêtres ne lui faisait pas peur.

Plusieurs années d’études à Rome avec les grands critiques d’art, un immense souci du détail et une douance dans l’art de la fresque ont permis au Père Cianci de concevoir les plus belles fresques du Québec à Louiseville.

Pendant les années de labeur vouées à la tâche titanesque, Marcel Caron, pour sa part, a su faire la cour à la jolie Italienne aboutie aux portes de la Mauricie.

«C’était la plus belle, mais elle n’a pas été facile à conquérir!» explique l’homme qui a fait carrière dans le commerce.

«J’aime les romantiques, il ne fallait pas que je lui montre trop vite que j’étais éprise de lui», rétorque Mme Storaci Caron.

Il faut dire qu’elle n’avait pas toujours le coeur à l’amour, son travail était exigeant.

«On était en danger tout le temps, parce qu’il fallait chauffer les couleurs ensemble et il y avait du plomb dedans. J’ai été empoisonnée par le plomb», se souvient-elle.

Pour concevoir une seule fresque, les artistes devaient repeindre sept fois les formes avec tous les détails qu’elles comportent. La technique est connue sous le nom de peinture encaustique. Les principaux matériaux utilisés pour la réalisation des fresques étaient la térébenthine et la cire vierge fondue.

Le travail était ardu, mais Mme Storaci garde de précieux souvenirs de cette époque révolue, dont certains cocasses.

«Les gens aimaient se confesser à mon oncle, parce qu’il ne comprenait rien, alors, il donnait toujours l’absolution.»

En février 1981, on a craint le pire quand l’église St-Antoine-de-Padoue a été la proie des flammes, les fresques qui ornaient le dôme ne sont plus que souvenirs, elles ont été remplacées par un artiste de Québec. Par miracle, la majorité des fresques du Père Sicilien et de sa nièce sont demeurées intactes.

Le couple Storaci Caron habite toujours à Louiseville où ils ont élevé leur famille et où M. Caron a connu la prospérité grâce à son commerce.