La rue, c’est notre bureau!
Souvent méconnus, ils arpentent la ville à pied, sillonnent les villages, se stationnement dans tous lieux publics, leurs parcours les conduisant là où les jeunes et même les adultes marginaux se tiennent. Ils s’immiscent dans le milieu, sans trop vouloir s’imposer et attendent que ceux et celles qui le désirent viennent à eux. Les travailleurs de rue sont des personnes ressources…juste au cas où. Mais, dans la MRC de Maskinongé, ils ne chôment pas! Même que la demande, disons-le est plutôt grande.
Isabelle Decoste et Patrice Duhaime, tous deux travailleurs de rue pour l’organisme T.rueC. peuvent en témoigner. «On priorise la jeunesse, mais tous peuvent témoigner de leurs besoins aux travailleurs de rue. Que la personne soit âgée de 16 ans ou de 50 ans, nous sommes là pour elle. De façon assidue, nous allons sur le terrain, sillonner les rues, nous asseoir dans les parcs afin de développer des liens avec les gens et de leur rappeler qu’est-ce qu’on fait comme travail, car ça ne paraît pas physiquement. Nous leur mentionnons qui nous sommes et que nous pouvons être là pour eux en cas de besoin. Ils n’ont qu’à nous utiliser», mentionne le travailleur de rue, Patrice Duhaime.
Mais, ce lien qui est créé entre le travailleur de rue et la personne dans le besoin peut prendre plusieurs semaines voire même plusieurs mois à se faire. «C’est un long processus avant que les gens développent le réflexe de se confier» , soutient Isabelle Decoste. «Les gens doivent d’abord comprendre que notre mission est de les soutenir dans leurs difficultés qu’ils vivent, à savoir des chicanes familiales, peines d’amour, problèmes de consommation, pauvreté, suicide, violence, en fait, nous sommes là pour les écouter et non pour les juger. Nous faisons également beaucoup de prévention. On offre un espace propice à la confidence» , ajoute l’intervenante.
Quand les réalités se ressemblent et se diffèrent
Stratégiquement, la majorité des interventions des travailleurs de rue du T.rueC. sont faites à Louiseville et à Saint-Alexis-des-Monts, mais selon les deux travailleurs, les problématiques d’ici ne diffèrent pas de celles que l’on retrouve par exemple dans la grande métropole. «De la violence, de la prostitution, de la pauvreté, il y en a ici aussi. C’est peut-être plus caché! Il y a des gens qui vont quêter quand même, mais ce ne sera pas aussi visible que sur la rue Sainte-Catherine à Montréal. Plusieurs également se demanderont: Y a-t-il des gangs de rue à Louiseville? Partout où il y a des gens qui trempent dans la criminalité et la drogue, c’est sûr que ça fait des gangs, mais ici, les gangs que nous connaissons sont des jeunes qui se tiennent ensemble. Ce ne sont pas des gangs de rue comme on entend parler à TVA. Ici, il n’y en a pas de ça», assure Patrice Duhaime.
Au-delà des préjugés
«On parle beaucoup du noyau dur 14-35 ans qui fait appel aux travailleurs de rue, mais on voit également beaucoup de gens de 40 ans et plus qui font appel à nos services. On est là aussi pour évaluer, si le problème est assez grave, on peut référer la personne à une autre ressource professionnelle. Par exemple, si un jeune consomme et est heureux, c’est correct, on va le respecter. Mais, s’il se rend compte qu’il doit régler son problème, nous sommes là pour le guider à la bonne place. Nous sommes aussi disponibles 24 heures sur 24, en cas d’urgence. Les gens peuvent nous rejoindre si vraiment ils ont un grand besoin. Il faut également rectifier une chose: les gens peuvent penser que nous sommes des super héros et que l’on joue à la police. C’est faux! Les informations et les confidences que l’on obtient sont confidentielles, ça, c’est important que les gens le ressentent» , lance le travailleur de rue.
Mentionnons de plus que l’organisme T.rueC. assume ses activités depuis 1994. L’équipe composée des deux travailleurs de rue et du coordonnateur Michel Purcell, en poste depuis les tous débuts, est appuyée par un conseil d’administration, présidé par Mme Mélanie Davis-Lessard. Cette dernière a également accepté de livrer un témoignage personnel fort émouvant, elle qui un jour a aussi profité du T.rueC. À 13 ans, elle a été une des premières à utiliser le service du travail de rue, ayant perdu sa mère qui s’est suicidée à l’époque. «C’était trop pour moi. Ma mère avait beaucoup de problèmes et a décidé de mettre fin à ses jours. J’ai donc utilisé Michel au temps qu’il était intervenant le plus que j’ai pu. Il m’a vu sous toutes mes facettes. Et tranquillement, je me suis sortie de ma douleur. J’aurais pu mal tourner, mais aujourd’hui, je suis la mère de deux enfants épanouis et je suis très heureuse» , raconte la jeune femme de 30 ans et qui fait partie du conseil d’administration de T.rueC. depuis cinq ans.
En 2008-2009, 933 personnes ont été en lien avec les travailleurs de rue, dont 675 sur une base régulière. Dans la dernière année, 258 nouveaux contacts ont été établis et 785 rencontres significatives ont été réalisées. L’équipe de T.rueC. a également été en relation suivie avec un noyau de 131 personnes différentes au cours de la dernière année dont l’âge variait entre 14 ans et 66 ans.
Pour en savoir davantage sur le travail de rue dans la MRC de Maskinongé, il suffit de visiter le www.cdc-maski.qc.ca/truec.htm.