La Grève, la grève, c’est pas une raison pour se faire mal!
Parfois, on se croirait dans la Guerre des tuques, un film qui a marqué les petits et grands enfants du Québec en 1984. Cette fois, par contre, les petits et les grands enfants ne se lancent pas des boules de neige, mais des insultes et plus rarement des arguments, cachés derrière des carrés rouges, puis des carrés verts… il ne manquait que les carrés blancs et les voilà. Depuis le début du conflit qui a réveillé la belle province d’un lourd sommeil politique, la grève a fait mal à bien des gens. Line Beauchamp, fatiguée de ce combat harassant a perdu son poste, un étudiant a perdu son oeil et les policiers ont perdu de la crédibilité aux yeux d’une bonne partie de la population. Certains étudiants, pour leur part, semblent perdre la notion de la démocratie avant même de l’avoir acquise.
Il n’y a pas que du mal dans cette démonstration d’émancipation collégienne et universitaire. On peut en ressortir une grande leçon et apprendre sur ce que nous sommes, nous les Québécois, cette espèce complexe et reconnue pour sa distinction apparente. Voici mes réflexions sur le sujet.
• Nous aimons la chicane
Rares sont les soirées entre amis qui ne finissent pas par une phrase du genre «Ouin, ça fait dur hein les étudiants?» Il suffit que quelqu’un réponde: «Ils n’ont pas tout à fait tort», pour que la discussion éclate. On se chicane poliment et on aime ça débattre. C’est la première fois depuis le dernier référendum qu’on jase autant de politique, j’ai hâte de voir comment va sortir le vote.
• Nous aimons la chicane pacifique
Même si certains médias sensationnalistes veulent bien nous faire croire que la guerre civile a éclaté au Québec, je nous trouve très pacifiques. Les blessés graves ne sont pas monnaie courante, les extrémistes se font remettre la plupart du temps à leur place dans les manifestations. J’aime mieux voir nos Québécoises nues et sans armes que les femmes voilées et armées (probablement des hommes en burka, comment savoir?) du printemps arabe. Non, nous ne sommes pas dans une guerre civile!
• Nous sommes cyniques
Si on reste polis dans les cercles d’amis, sur les médias sociaux c’est autre chose. J’ai lu sur Facebook et sur Twitter plusieurs phrases du genre «Il était temps qu’elle démissionne la conasse» et «Ça ne sera pas mieux avec la grosse Marois». Je dois dire que ces déclarations donnent la chair de poule à mon âme d’électeur. J’aimais bien l’humour des Cyniques avec des blagues assassines telle que: «Aurais-tu une piasse pour l’enterrement d’un journaliste?
-Tient en v’là deux, tu en enterreras deux…» Mais je me demande si les graines de cynisme qu’ont plantées les protagonistes et les politiciens d’autrefois n’ont pas engendré de la méchanceté tout simplement gratuite. Pour côtoyer les politiciens dans le cadre de mon travail, je peux vous dire qu’ils sont rares à faire ce métier par arrivisme. Combien de fois, Ruth Ellen Brosseau et Jean-Paul Diamond passent leur samedi soir à manger de la soupe aux pois avec l’AFEAS ou du spaghetti avec les Chevaliers de Colomb? Il faut aimer ses concitoyens et son travail pour faire ça. Non, je ne ferme pas les yeux sur les enveloppes brunes et les scandales politiques, mais je demeure convaincu que la majorité des députés ne méritent pas un traitement aussi gratuit et cruel. Le fait est que nous avons fracassé la barrière du cynisme.
• Nos radios ont tourné à droite
Il y a quelques années il n‘y avait que «la fameuse Radio X» de Québec, CHOI 98.1 qui prenait les rênes de la droite dans les médias et traitait qui voulait bien leur parler de la gauche de démagogue. En passant, je n’ai rien contre ça, ils ont le droit à leur opinion et c’est correct. Par contre, les talkshows de droite se multiplient au Québec. Depuis que CKOI/Trois-Rivières – concernant les autres stations de Cogeco, je n’ai pas vérifié assez assidûment pour émettre un constat – a troqué l’humour dans son émission du matin, les animateurs à opinion et surtout subséquemment au début de la grève, vantent les valeurs d’un virage à droite. Les étudiants ont presque toujours tort, selon eux. Le résultat est plus nuancé, mais similaire à la radio FM 93.3. Cette ligne unidirectionnelle de pensée radiophonique m’inquiète, ces animateurs ont une grande influence sur la pensée de certains auditeurs qui n’attendent que leur opinion pour se bâtir une rhétorique. Je ne crois pas que c’est un hasard si en 2008 les Conservateurs ont fait une percée historique à Québec.
• Malgré tout, «on est peut-être quelque chose comme un grand peuple»
Si les acteurs politiques d’autrefois ont souvent versé dans le cynisme, ils ont aussi été capables de grandes phrases comme celle-là de René Lévesque: «On est peut-être quelque chose comme un grand peuple».
Qu‘on soit pour ou contre la grève, il est important de ne jamais oublier que nous formons une même société et qu’il est inutile de se faire mal davantage dans cette histoire. La grève, c’est touchant parce que c’est une scène géante où nous avons tous à jouer un rôle. Les politiciens, étudiants, manifestants, policiers, éditeurs, journalistes, citoyens, blogueurs, rouges, verts et blancs devraient garder en tête que chaque phrase lancée et chaque geste posé contribue à bâtir ce que nous sommes, alors aussi bien le faire pacifiquement, comme le font les grands peuples. La grève, ce n’est pas une raison pour se faire mal!
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