Disposition des cendres: le vide juridique

Au Québec, aucune loi n’encadre la façon de disposer des cendres d’une personne décédée, laissant la famille libre de pouvoir en disposer comme elle le souhaite. Une situation qui pourrait toutefois être appelée à être changée avec l’étude d’une nouvelle législation.

:«Au Québec, les cendres n’ont aucune valeur, s’indigne la directrice de la Corporation des thanatologues du Québec, Nathalie Samson. Parfois les familles n’en veulent pas des cendres et nous demandent de s’en débarrasser. On n’est pas capable de faire ça. On ne peut pas mettre les gens aux poubelles.»

L’absence de réglementation amène son lot de problèmes, selon la présidente du conseil d’administration de l’Association des cimetières chrétiens du Québec,Monique Morin. Souvent, elle a vu des personnes endeuillées venir pleurer dans son bureau, se disant incapables de disposer des cendres de la personne aimée. «Des fois les gens disent, tu «garrocheras» mes cendres quelque part. Ça ne marche pas comme ça. Les gens ne sont pas capables. Tu as aimé une personne toute ta vie et tu vas aller la «garrocher» n’importe où ? Les chiens vont aller pisser dessus. Voyons c’est aberrant de penser ça!»

L’absence de réglementation donne la liberté aux familles endeuillées de disposer des cendres selon les volontés du défunt. Elles peuvent être mises en terre ou dispersées à un endroit significatif pour la personne décédée. Ou encore rester dans la maison familiale.

Accueillir les nouveaux rites 

L’organisme à but non lucratif L’Économusée de l’Au-Delà, dont la mission est de préserver et faire connaître le patrimoine funéraire au Québec, ne partage pas l’opinion des deux organismes quant à la disposition des cendres.  Selon le directeur adjoint de l’Économusée, Alain Tremblay, les cimetières du Québec doivent au contraire s’ouvrir aux nouveaux rituels funéraires. «Le geste de dispersion des cendres constitue un rituel de sépulture très répandu dans le monde et il implique une importante charge émotive et symbolique et il importe de ne pas entraver le développement de ce nouveau rituel chez nous», mentionnait-il lors d’une table ronde sur le sujet en mai dernier.

 «Les cas de gestion des cendres susceptibles de provoquer des conséquences pathologiques chez certains individus ne sont que des cas isolés qui ne peuvent être invoqués pour imposer à tous une règle de gestion», écrivait-il dans une lettre envoyée à l’Agence de santé et de services sociaux de la Capitale nationale.

L’Économusée propose aux cimetières d’aménager des espaces spécialement pour la dispersion des cendres et de miser sur le développement des lieux de sépultures «en misant particulièrement sur la mémoire des défunts, que les cendres soient présentes ou non dans le cimetière».

Projet de loi jamais adopté

En 2012, Yves Bolduc, qui était alors ministre de la Santé, avait déposé un projet de loi qui modifiait la législation dans le domaine funéraire. Ce projet de loi abordait d’ailleurs la question des cendres humaines. Le projet de loi prévoyait que les cendres ne pourraient plus être divisées en plusieurs contenants (par exemple pour être réparties à plusieurs membres de la famille) et que les cendres ne pourraient plus être dispersées à un endroit qui ne respecterait pas la dignité de la personne décédée. Ce projet de loi n’a  pas été adopté. Au ministère de la Santé et des Services sociaux, la porte-parole Marie-Claude Lacasse indique que «la réflexion se poursuit présentement afin de répondre à l’évolution et aux nouvelles technologies de ce secteur».

 

Texte rédigé par Valérie Lessard.