Crise du papier mixte: payer pour se débarrasser…

Aucun papier ne sera enfoui à Saint-Étienne-des-Grès, même si l’Inde a annoncé la semaine dernière qu’elle restreignait son marché aux ballots de papiers mixtes contenant moins de 1% de contaminant.

C’est l’assurance donnée par Luc Dostaler, président de l’organisme Récupération Mauricie qui est directement visé par cette nouvelle mesure, puisque le taux de contamination de son papier mixte varie entre 2% et 3%.

En agissant ainsi, l’Inde emboîtait le pas à la Chine qui avait fixé cette norme de 1% en 2017.

«Ce sont des cibles difficilement atteignables, admet Daniel Cassivi, directeur général de Récupération Mauricie. Les améliorations technologiques réalisées il y a deux ans nous avaient permis d’atteindre des seuils aussi bas que 2%. Mais pour abaisser davantage ce taux, il sera nécessaire d’investir à nouveau dans d’autres améliorations technologiques et d’assurer la présence de trieurs en nombre suffisant.»

Les ballots de papiers mixtes sont constitués de journaux, circulaires et cartons plats comme des boîtes de céréales ou de pâtes par exemple. Que ce soit par l’inattention d’un trieur qui n’intercepte pas une bouteille de plastique ou une boîte de conserve ou d’un citoyen qui jette à la récupération une matière souillée, ces «contaminants» en viennent à former un poids dans le ballot qui excède la norme de 1% fixée par les Chinois et les Indiens.

Pour Luc Dostaler, on peut bien moderniser les équipements et augmenter le nombre d’employés, le début de la solution réside en amont de la chaîne. «On va se le dire, dans le doute, les citoyens vont mettre un objet dans le bac à recyclage en se disant que les trieurs verront à départager à l’autre bout. Cette mentalité cause assurément des problèmes.»

Pas question d’enfouir

Pour le maire de Notre-Dame-du-Mont-Carmel, cette nouvelle crise révèle une nouvelle fois le paradoxe de la situation.

«Nous ne vendons même pas notre papier mixte. La régie doit payer environ 20$ la tonne à un intermédiaire qui va l’écouler sur le marché asiatique. On va se le dire, envoyer cette matière à l’autre bout du monde, ce n’est pas la solution la plus écologique.»

En Mauricie, le papier mixte représente environ 10 000 tonnes par année, soit environ 30% de la matière recyclée. À 20$ la tonne, ce sont donc 200 000$ que les citoyens paient pour l’expédier à l’autre bout de la planète, sans compter ce qu’ils acquittent déjà en tarif pour la collecte sélective sur leur compte de taxes.

Si des centres de tri ailleurs au Québec ont évoqué la possibilité d’enfouir leurs papiers mixtes si la situation perdure, il n’en est aucunement question pour Luc Dostaler.

«Nous avons de l’espace pour l’entreposer en attendant de trouver de nouveaux acheteurs. Il faudra par contre s’attendre à payer encore plus cher. À 30$, 40$ la tonne? Je ne sais pas pour le moment.»

À ce prix, le président de Récupération Mauricie préférerait le vendre dans la province pour en faire profiter l’économie locale, mais cette avenue n’est pas envisageable à court terme et passe assurément par une volonté gouvernementale. «Pourquoi est-ce que personne ne le veut au Québec? Parce que les entreprises peuvent produire du papier moins cher avec de la matière neuve plutôt que recyclée», termine-t-il.