Une faune unique, un lieu à partager

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AGRICULTURE. Le Pôle d’expertise multidisciplinaire en gestion durable du littoral du lac Saint-Pierre va disséquer l’hydrodynamique, la qualité de l’eau et la qualité des sols, de même que toute l’écotoxicologie du lac Saint-Pierre.

Au final, le Pôle va mesurer les impacts que ces facteurs exercent sur la biodiversité faunique, sur l’ADN environnemental et la biodiversité des milieux hydriques du lac.

Et ça, c’est l’affaire et le domaine de Gilbert Cabana de l’UQTR et de ses quatre collègues de l’INRS et de l’UQAC. L’axe environnement et faune du Pôle doit «mesurer l’influence qu’ont les différentes cultures et pratiques culturales testées et des milieux naturels sur l’environnement et la faune du lac Saint-Pierre. Et, le rôle que jouent les prairies humides naturelles et les milieux forestiers dans la dynamique du littoral du lac», explique M. Cabana. Les chercheurs vont par ailleurs «cartographier et caractériser la provenance des masses d’eau tributaires du lac Saint-Pierre qui agissent sur l’inondation et analyser la toxicité de l’eau et des sols en fonction des différents usages de la zone littorale.»

«Ce qui influence la qualité de l’eau pendant les inondations est en partie causé par les petits tributaires qui amènent des eaux fortement influencées par les pratiques agricoles et qui vont séjourner dans le littoral du lac. Il y a très peu d’autres sources de contamination dans cette zone, assure Gilbert Cabana. «C’est une agriculture qui se fait dans un milieu humide et saisonnier. Cette cohabitation date de longtemps. Il faut respecter ça.»

Il craint que la plaine d’inondation ne puisse survivre au type d’agriculture qu’on y pratique. Les agriculteurs ont migré vers une agriculture à grand interligne, comme le maïs et le soya qui contiennent beaucoup de pesticides et de nutriments.

«Il y a une douzaine d’espèces de poissons qui pénètrent dans la plaine d’inondation, comme le brochet. C’est un endroit très productif au printemps. Un milieu qui nourrit plein d’oiseaux qui consomment des insectes et dont les larves sont aquatiques. C’est un endroit unique. Un endroit qui représente un grand pourcentage de toutes les terres humides du Québec, mais seulement 0,01% des terres agraires du Québec. Il faut travailler avec les agriculteurs pour minimiser la dégradation de cet environnement, ou laisser-aller: les générations futures verront bien ce qu’il restera. On est à un tournant, ça fait une trentaine d’années que l’agriculture a vraiment changé autour du lac», note M. Cabana.

«Il faut réaliser que c’est un défi pour tout le monde», soutient M. Cabana, d’autant que les crues sont très variables et parfois exceptionnelles. Près de 80 espèces de poissons vivent dans le lac et dépendent du garde-manger printanier que sont les plaines d’inondations. En écologie, il est parfois difficile d’établir des liens de causalité sur une si grande échelle.

Le lac fait près de 40 km carrés et grandit de 30% au printemps, précise M. Cabana. «Je pense que c’est un projet important pour la population du Centre-du-Québec et de la Mauricie. C’est un endroit fantastique, surtout au printemps. Prenez un canot ou un kayak pour vous balader dans les forêts des érablières argentées. C’est comme un bayou. Si vous voulez voir des aigles à tête blanche, il y en a plein et des espèces de poissons qu’on n’en voit pas ailleurs. C’est productif. C’est à nous. Une saine cohabitation est possible (…)», explique M. Cabana.

«Les milieux humides du lac Saint-Pierre comptent pour près de 63% de l’ensemble des superficies humides du fleuve Saint-Laurent. Sa faune comprend 40 espèces de mammifères, 288 espèces d’oiseaux et 79 espèces de poissons, lesquelles représentent 70 % des espèces d’eau douce du Québec», nous apprennent les chercheurs du Pôle.

L’équipe de Gilbert Cabana doit en outre évaluer la productivité primaire algale du lac, la biodiversité de ses communautés microbiennes et l’impact qu’elles ont sur les invertébrés aquatiques et les larves de poissons.